Jean C. KECH, L’Odyssée galante, Editions Amalthée, 2013

Cette odyssée est avant tout un séjour dans le temple de Vénus. Étienne et Elena se rencontrent à San Remo à l’occasion d’un colloque international sur la protection du consommateur. C’est le coup de foudre.

Étienne occupe une fonction importante au Ministère de l’économie, des Finances et de l’Industrie, à Paris. Il n’aura de cesse d’organiser ses déplacements à l’étranger dans le but de revoir Elena. Comme elle est italienne, les rendez-vous auront lieu dans un premier temps aux quatre coins de la botte : Avellino, Formia, Rome, Milan et Venise abriteront leurs amours naissantes. Ce qui fournira à l’auteur le prétexte à d’abondantes descriptions des lieux visités.

Cependant Étienne est marié, alors qu’Elena est célibataire. Qu’à cela ne tienne, puisque le héros, de par sa fonction, a toutes les bonnes raisons de voyager. Ils pourront ainsi, dans le mouvement incessant des séparations et des retrouvailles, nourrir l’illusion du bonheur.

Étienne est un être passionné, idéaliste et rêveur, une sorte de héros romantique, plongé dans la vie trépidante du vingtième siècle : « Chérie, je brûle, le feu me consume. Quoi qu’il arrive, sache-le, je ne pourrai jamais échapper, volontairement ou non, au souvenir vibrant de ta délicatesse, de ta tendresse, de ta gentillesse, de ta finesse d’esprit, en un mot de ton amour. »

Elena n’est pas moins exaltée et les déclarations dithyrambiques se succèdent : « Tu ne rêves pas, mon Chéri. À tout moment, c’est vers toi que vont mes pensées, mes joies et mes peines, mon esprit, mon cœur… et mon corps. »

Et pourtant des inquiétudes vont inévitablement s’insinuer dans ce concert idyllique : la peur de l’instabilité des choses, des revirements, des obstacles intérieurs et extérieurs : « Je ne suis pas une putain, mais je me comporte comme telle ! Tu n’es pas libre et je m’accroche à toi ! Quel est notre avenir ? Je crois en la sincérité de ton amour, mais il ne nous conduira nulle part ! » Et lui, le notable de Lille, ne veut pas courir le risque de voir sa famille détruite, sa réputation entachée, sa carrière brisée. Comme un train lancé dans le brouillard, ils vont de rendez-vous en rendez-vous. Après l’Italie, c’est Nice, Bruxelles, Londres et Berlin.

Tous ces voyages sont l’occasion de réflexions sur la société. Berlin, à l’époque de la guerre froide, offre aux amoureux le spectacle d’une ville coupée en deux. Étienne ne résiste pas au plaisir de faire un exposé – un peu long – sur le communisme et ses dérives. Tout le livre du reste est farci de commentaires politiques ou socio-économiques. Réflexions aussi sur ce que l’homme et la femme attendent l’un de l’autre. Inévitablement, cette relation était vouée à l’échec. Le récit de la déliquescence de cette passion est peut-être la partie la plus réussie de l’ouvrage.

En somme, ce roman est plutôt un journal des événements publics et privés de deux personnages jetés dans un monde en pleine mutation. Il couvre sept années. Entre les entrevues, Étienne et Elena s’appellent ou s’échangent une nombreuse correspondance. On peut toutefois déplorer l’absence de personnages secondaires – excepté dans la dernière partie – comme si les héros étaient enfermés dans une bulle.

Le style est de qualité, les descriptions soignées. Elles témoignent d’une recherche approfondie, par exemple lorsqu’Elena parle des monuments de Rome et de l’art italien.

Jacques Goyens