Jean Chatard, Sous le couvercle de la nuit, Sac à mots, 2015.

Le récent recueil de Jean Chatard nous plonge dans « la marge du bruit qui compte ses couleurs/et repeint un à un les nuages blessés ». Si, reconnaît l’auteur de Les archives de la nuit, « la tristesse a goût de sel », « Le rouge a pris sa place sur le bel édredon/de la page endormie et c’est miraculeux/ que de le laisser faire », et cela, malgré les doutes, avec « l’ombre de Rimbaud pour compagne et blason ».

« Frère du lilas/et des hommes jetés dans la fosse commune/piétinés par la rue », le poète livre son chant grave en s’avançant sans illusion dans « la saison jetée aux chiens et aux orties », alors que l’ennui « cloue l’âge au frisson ».

Pour Chatard, « le bonheur est peut-être cette blessure au front ». Il est vrai que ses vers ont des accents apollinariens. Le lecteur ressent son urgence à dresser sa plume contre la face arrogante de la mort. C’est pourquoi, sans trêve, il marche « à pas menus le long de l’alphabet avant/de prendre au col les vagues de l’envol. »

Et son poème réveille des visages ainsi que « le verbe insolent/où nidifie le vent ».

Tout est là, dans une joute verbale lumineuse : insolence rimbaldienne, mais aussi croyance en un éternel recommencement par le souffle qui inspire et conduit ailleurs, par l’œuf du poème qui mûrit le silence.

Béatrice Libert, 22 juin 2015