louvetJean Louvet, Comme un secret inavoué, théâtre, éd. Lansman, 2013, 36 pp, 9€.

 

Les personnages de Jean Louvet ne sont pas sans évoquer un peu le Roquentin de Sartre et l’Etranger de Camus. Nous sommes des somnambules, dit-il, p.11.Mais ils sont, en quelque mesure, sauvés par l’amour. Ils sont en tout cas marqués, je dirais même imbus, de compassion pour l’autre. Littéralement, ils souffrent du même mal. Jean Louvet, comme Dieu devrait le faire aurait-il donc pitié du cœur des hommes? Il est en tout cas persuadé, et ce, dès le début de sa carrière, que la solution des problèmes sociaux, et celle des problèmes propres à l’individu, sont intimement liées. Et quoi qu’en pense une intelligentsia « dernière vague », il n’existe pas de problèmes purement personnels, et la littérature dite « sociale » ou parfois « ouvriériste » a droit de cité dans nos lettres, au même titre que les fanfreluches et mirlitons d’une post-modernité attardée.

Ce que dit aujourd’hui Jean Louvet n’est pas d’une nouvelle manière, d’un nouveau style, non, c’est ce qu’il a toujours dit, mais c’est nous qui avions l’oreille ailleurs. Il y a dans cette pièce une alternance de vide, de désespoir profond, total, et d’espoir tout aussi fou. Une alternance de méfiance et de confiance, de déchirements et de rassemblements .Une sorte d’hymne à l’amour (p.17), qui est comme une mer, non un amour égoïste, mais un amour dont les vagues s’étendent de proche en proche.

C’est peut-être sa plus belle pièce, parce que ces deux thématiques, l’amour de l’un, la passion au sens habituel, et l’amour des autres, toujours présent, sous-jacent, dans les pièces précédentes, sont ici intimement réunis, avec une force et une beauté difficilement dépassables.

Ainsi l’acteur dit-il, p.17:

Je me suis dit:

par mauvais temps, malgré tout

je suis à vos côtés,

vous êtes à mes côtés.

Comme si nous nous connaissions depuis toujours.

Il y a longtemps que nous sommes là

et d’autres

et d’autres avant nous.

La pièce a été magistralement mise en scène par Frédéric Dussenne, jouée par Véronique Dumont et Fabrice Rodriguez, et le public ne s’y est pas trompé, qui est venu en grand nombre, au Rideau de Bruxelleset a applaudi à tout rompre.

Joseph Bodson