Jean Louvet, Une soirée ordinaire, théâtre, Lansman, 2014, 38 pp, 9 €.
On retrouvera ici quelques-uns des grands thèmes de Jean Louvet: le travail aliéné, la société de consommation, le vide d’existences privées de raisons d’être. Et tout spécialement le vide engendré par des médias, qui eux-mêmes tournent à vide, soucieux seulement de l’audimat, et fatalement tournent au vide, lessivant du même coup le cerveau des spectateurs. Qui plus est, TV en panne, même par un court moment, entraîne de suite le désarroi des spectateurs.
Julien: Tout à coup, avec cette télé qui ne répond plus, j’ai l’impression que je ne vis plus, plus rien d’essentiel (p.8)
Et c’est là que se situe la plus grande des manipulations: en fait, la télé, elle n’a jamais répondu, elle parle toute seule. Et notre vie n’a plus que l’apparence d’une vie, nous ne sommes plus que des décalcomanies collées sur des morceaux d’images soigneusement triés.
Et bien sûr, la publicité, le nerf de la guerre. On n’imagine plus, aujourd’hui, une tévé privée de pub, qui est la vraie réalité. D’où, dans la pièce, interviennent différentes énumérations, de salons de massage, de produits de beauté. Du coup, le temps se perd dans la confusion (p.17). Du coup, les rapports entre les gens eux-mêmes s’estompent dans le flou, cessent d’avoir une existence réelle, et les crises que nous vivons finissent par ressembler à une panne de TV. Nous avons besoin d’évènements pour nous sentir vivants, et la TV nous les sert tout chauds, tout fumants, tout sanglants. La terreur et la pitié portées à des puissances extrêmes. La TV devenue une sorte de Somme théologique. Un candidat sera élu non parce qu’il a le meilleur programme, mais parce qu’il se présente le mieux lors des débats.
Et puis viendra, p.23, l’ange Gustave. Un ange qui n’a pas grand chose à voir avec ceux de Cocteau, un ange qui apporte un hymne à l’espoir et à l’avenir. C’est en chacun de nous, aujourd’hui, que doit naître et durer la résistance, une résistance qui est la seule garante de notre individualité, et de relations humaines authentiques.
Joseph Bodson