Jean-Marie Corbusier, Le livre des oublis et des veilles, poèmes, éd Taillis-Pré, ill. Dominique Neuforge.

Un recueil où l’on retrouvera l’habituelle discrétion, l’apparente légèreté de l’auteur. La dédicace à André du Bouchet en dit d’ailleurs  déjà assez: les paroles elles-mêmes, formant une sorte de grillage plutôt que de message, des mots à chercher, à découvrir, plutôt qu’offerts à profusion: Le ton et les mots qui se croisent/quelquefois/nous laissent séparer. Œuvre du hasard plutôt que de la nécessité, mots-poissons cueillis à filets larges ouverts, et bien vite entre-sauvés parmi les mailles.

Les dessins de Dominique Neuforge accentuent cette recherche, par le subtil contraste des gris noirs et plus clairs, ainsi que le quasi chiasme du titre: les oublis opposés aux veilles qui devraient les sauver, et les souvenirs ainsi dérangés.

Mais laissons-nous prendre un peu à ce rythme quasi silencieux de la parole rare:

Tranchée sur le jour/parole/hors cause

loin de moi/                 laissée à vif

l »  étau du vent/                       elle seule/aura pu l’interrompre  

et tout le reste, poussière du temps, qui sans cesse en murs se décompose, se défait et puis se recompose.

Joseph Bodson