echterbilleJean-Pierre Echterbille – Le médaillon de la vengeance – éd. Weyrich – 220 pages

 

Le roman est surtout prétexte à une description très vivante et très colorée de la vie au Moyen Age. D’emblée, nous sommes plongés dans l’ambiance et nous voyons littéralement se dérouler l’histoire, mieux, nous la vivons. L’intrigue est assez mince. Le jeune Aubry est brutalement confronté à l’horreur de trouver ses deux  sœurs violées et assassinées et leur mère trucidée.  Le père étant mort depuis longtemps en tombant d’une courtine du château où il travaillait, le jeune homme se retrouve seul et il conçoit immédiatement le dessein de consacrer sa vie à découvrir et massacrer les violeurs.

Il entame d’abord une retraite d’ermite en forêt pour s’aguerrir. Quand il se sent prêt, il se met en quête d’une place où gagner sa vie. Il vivra ainsi, offrant ses services de château en château, où ses qualités le font apprécier de tous. C’est qu’il est un cuisinier hors pair grâce à sa mère et très habile dans toutes sortes de tâches grâce à son père.  Il compte sur la chance, espérant voir arriver un jour à l’un ou l’autre banquet ceux qu’il cherche. Car il a deux indices, un médaillon serré dans la main d’une de ses sœurs et un lambeau de chemise brodée dans la main de l’autre. Il observe donc sans trêve les gens rencontrés en chemin et les visiteurs reçus dans les différents châteaux. En attendant, il ne s’ennuie pas. Il a découvert l’amour et le plaisir de chair, mais n’en abuse pas. Il travaille beaucoup, notamment en cuisine, et régale la tablée, sans se priver lui-même. Et tout au long du livre, on nous décrit par le menu ces agapes et ripailles avec un plaisir évident. Sans vergogne, car son ami, le Frère Guido, religieux du carme de Kemmel (près d’Ypres), énonce que les anciens ont dû se tromper en transcrivant les textes tristeument car la gourmandise ne peut être un péché !

Le roman ne satisfera peut-être pas un amateur de polar à l’intrigue rondement menée, mais pour qui veut savourer tranquillement un bon moment de cet étonnant Moyen Age tout en contraste, mélange de nature humaine pas toujours bien dégrossie mais pétrie de spiritualité, cette société tranchée en nobles, clergé, vilains, radicalement séparés et pourtant en contact permanent, alliant la brutalité des événements à la finesse des enluminures qui les relatent… il y a de quoi êtrecomblé. C’est un bonheur de se plonger dans ce passé si bien rendu par la langue d’autrefois, que l’auteur pratique avec  un naturel et un savoir-faire remarquables. Gageons qu’il avait du mal à émerger dans notre langage actuel chaque fois qu’il devait abandonner son travail de création pour revenir à notre pensée et à notre langue du XXIe siècle !

Il faut noter à ce propos qu’il s’est très bien documenté et s’est adjoint le concours de plusieurs historiens – Guido Hossey, Bruno Echterbille et Jean-Paul Wuyts – et que tous les mots qui pourraient ne pas être compris du lecteur sont expliqués en bas de page.

Isabelle Fable