waterlooJean-Pierre Vander Straeten, L’enfant de Waterloo, récit de vie, éditions Traces de vie, 2013, 152 pp, 15 €.

Dans l’excellente collection Traces de vie, que dirige son épouse Annemarie Trekker, Jean-Pierre Vander Straten publie un récit qui pourrait être pris comme modèle du genre: par son naturel, sa discrétion – qui ne l’empêche pas d’aller voir les choses en profondeur – par son humour aussi, qui me paraît bien être indispensable à ce type de livre. Comme le fait Annemarie dans ses propres livres, Jean-Pierre remonte à plusieurs générations, ce qui permet de mieux comprendre d’où il vient, de voir le trajet parcouru, l’ascension sociale au fil des générations. Car le milieu d’où il vient est assez modeste. Il ne s’agira d’ailleurs pas pour lui d’en sortir, mais plutôt de l’accomplir, d’en parfaire le trajet.

Il est né à Waterloo: ses parents avaient quitté Noucelles pour le Chenois, un quartier où il y avait une gare, surtout peuplé d’ouvriers paveurs appelés à essaimer dans toute l’Europe.  il ne se limite pas, en effet, à retracer l’histoire de sa famille, c’est tout l’entourage social qui est esquissé, parfois approfondi. Et ce sera le récit de défis courageusement relevés, par le père et par la mère, et aussi de séjours dans la famille proche, dans deux quartiers très différents d’Uccle. Ce sera aussi le récit des handicaps: l’asthme, l’acné, un gros problème à l’œil…et tout ce qui lui permet de surmonter ces handicaps: le football, la poésie, la rencontre des autres. Il y aura bien sûr aussi les premiers émois, les premières amourettes, les vacances en Ardenne,, tout cela décrit, encore une fois, avec beaucoup de finesse et de délicatesse  Il y aura enfin une analyse tout aussi fine de la population scolaire du Collège Cardinal Mercier à Braine, avec les différences marquées de classes sociales entre les élèves. Et puis, éclairant le tout, Jean-Pierre a eu la bonne idée de semer çà et là son récit de Coups d’œil qui permettent d’éclairer tel ou tel aspect de l’époque, de mieux la pénétrer.

Faut-il dire que les qualités littéraires qu’avaient relevé certains professeurs, plus perspicaces ou moins traditionnalistes que les autres, ont eu l’occasion de se développer et de se déployer ici à plein? L’auteur se passionnait déjà, au collège, pour Blaise Cendrars, ce qui n’est pas si commun. Et – ce qui m’a fait grand plaisir – son père était acteur de théâtre wallon, et lui-même, bien sûr, spectateur…

Bref, un beau récit d’ascension sociale, depuis la petite ferme familiale, en passant par les métiers divers des parents, le passage progressif du milieu ouvrier à celui des classes moyennes, mais en gardant une orientation sociale bien marquée: la famille était abonnée à La Cité…Toute une époque, marquée par le grand tournant des années soixante, le Concile, et mai 68 qui pointe à l’horizon.

Joseph Bodson