Jules Boulard, J’ai osé…Editions Memory, 2014

 

« Mais comment faire pour jeter ce qu’il y a de plus dur en nous, au fond de nous, bien caché dans le cœur ? En l’écrivant peut-être ? » Telle est la question que se pose la narratrice de ce petit roman plein de tendresse et de poésie.

C’est à l’âge de quarante ans que Marie-France décide de régler ses comptes avec son enfance, un douloureux passé qui l’a rendue muette. Petit à petit, au fil de ses confidences, nous découvrons que la Seconde Guerre mondiale l’a plongée, elle et sa famille, dans un malheur indicible. Elle avait quatre ans, lorsqu’une bombe détruisit sa maison, tuant ses grands-parents et blessant sa mère.

De ce fait divers, presque banal en temps de guerre, Jules Boulard a tiré un récit poignant, d’une simplicité enfantine, à l’image de l’héroïne dont l’évolution psychologique s’est arrêtée. Son père, prisonnier en Allemagne, sera libéré et rentrera au pays un an plus tard, en 1945.

L’auteur évite soigneusement les digressions, les déballages de sentiments ou les descriptions savantes. En revanche, l’émotion est bien présente. Elle s’exprime dans un langage naturel qui colle au personnage de Marie-France. Parallèlement, il met en scène la nature telle que la percevrait un enfant : les fleurs, les fruits, les légumes, les insectes – papillons, abeilles, fourmis – ou les arbres de la forêt.

Alain, un voisin, sera le confident privilégié de Marie-France. Il fera preuve de beaucoup de délicatesse et de patience pour l’écouter et la libérer de ses peurs. Il trouvera ainsi le chemin de son cœur, bien loin des poncifs de la littérature romanesque.

La fonction de l’écriture est bien mise en évidence dans ce roman. C’est par elle que l’héroïne parviendra à transformer le gros noyau qu’elle a dans le cœur en perle, comme le fait l’huître à partir du grain de sable : « J’ai décidé de commencer à faire une perle – ma perle – comme une huître. » Le roman se clôt sur une perspective de bonheur, conquis de haute lutte : « Alain et moi, nous vivons ensemble à présent. On se comprend très bien, même sans se parler, et chacun pense à faire le plaisir de l’autre. C’est peut-être ça le bonheur. »

Jules Boulard, mine de rien, aborde des problèmes existentiels tels que les malheurs de la guerre, l’autisme, la responsabilité et la culpabilité, le bonheur.

Jacques Goyens