songeLaurence Thirion, Songe à la douceur…, roman, Memory, 2014,  286 pp, 20 €.

 

Laurence Thirion n’en est pas à son coup d’essai, mais j’ai eu la sensation, en lisant ce roman, d’un net progrès par rapport aux précédents: davantage de clarté, de fermeté dans le style. Tout comme le font par exemple Francis Dannemark ou Colette Cambier, elle traite de front le devenir de deux génération, ce qui n’est pas sans risque, d’autant plus qu’il s’agit ici, chaque fois, d’une génération de trois filles. Il arrive que l’on s’y perde un peu, quelquefois, mais l’on s’y retrouve assez vite, et cela donne davantage de profondeur au récit. Celui-ci est mené à la 3e personne, avec de temps à autre l’intervention d’une incise à la 1e personne.

Elle construit son roman patiemment, minutieusement, petite touche par petite touche. Mais cela n’entraîne nullement la monotonie: elle a aussi le sens du drame, et sait varier son style pour nous plonger, par petites phrases rapides, en plein cœur de la catastrophe. Les sœurs sont intimement liées les unes aux autres, mais en même temps dévorées de jalousie. Comprenne qui pourra! C’est ainsi que se déroule bien souvent notre vie à tous. Comme en un échange mystérieux, alors que l’une est pénétrée de la souffrance la plus aigüe, et fragile comme verre, l’autre ira robustement son chemin. Cela, les contes de fées nous l’ont déjà appris.

Le ton du récit est très juste, elle a le sens du détail important, elle sait joindre l’observation précise des choses à l’analyse des sentiments. Les scènes d’amour sont traitées avec beaucoup de finesse et de délicatesse. Le long passage p.200 sq sur les filles psychiquement faibles dénote une profonde connaissance du problème, d’où qu’elle vienne, et une compassion tout aussi profonde, qui ne verse pas dans la sentimentalité

N’était-il donc pas suffisant d’avoir apporté la tendresse à ses filles, des bonheurs discrets, mais qu’elles porteraient en elles comme la force subtile de l’enfance: les saveurs sucrées d’un petit déjeuner, les plats d’été simples et savoureux, les fous rires communs, les histoires du soir…

Joseph Bodson