Laurent Robert, Métro Stalingrad, poèmes, Edilivre, 2015

Métro Stalingrad

Une partie de basket

Ténèbres et joie

 

Aux Buttes-Chaumont

Slalom des épaules nues

Cœurs dénivelés

C’est parti, le ton est donné. Un don certain de la langue et des images juxtaposées au petit bonheur, avec un grand bonheur. Aucune emphase, pas un mot de trop.

Au n°22, des haïku qui semblent saisis sur le vif, comme si l’auteur parcourait Paris en vélo. Comme ces enfants qui attrapent la floche au carrousel. Des images volées. Mais quel raffinement. Au n°23, un beau portrait en pointillé de Francis Ponge.  Aux 31 et 32, Remy de Gourmont et Radiguet…C’est à un film, plutôt qu’à un recueil, que fait songer Métro Stalingrad : Jour de fête, bien sûr, de Jacques Tati. Oui, il y a même des Parisiens heureux, il en a rencontré.

Et puis, Rue de la Mariette, les haïku borains: plus que le souvenir du passé, la monotonie du quotidien. Ici, toutes les rues sont rouges, ou presque. n°24: Quaregnon-Rivage/Deux hameaux balkanisés/Haine et autoroute. Ou encore, p.30: Absinthe à l’aurore/Canal de Nimy-Blaton/Octobre scintille. Bien sûr, aussi, la beauté des femmes: Une basketteuse/En sa chambre se contemple/Long corps caressé. Sans oublier Van Gogh: La vie en prière/Van Gogh allonge le pas/Honneur à bas prix…Eh oui, il y a tout cela, dans le Borinage, que nous avions oublié de voir. Et cela se termine de manière un peu surréaliste:

Rouler nulle part

A vélo sur le terril

En dehors du monde.

Bref, un Borinage comme vous ne l’avez jamais vu. C’est vif, rapide, bien dessiné…Au bonheur du promeneur.

Laurent Robert est poète et essayiste. Il a notamment publié Protocole du seul (poésie, éditions Unimuse, 1994) et Georges Fourest ou le carnaval de la littérature (essai, Editions Universitaires de Dijon, 2012)

Joseph Bodson