Liliane Schraûwen, La fenêtre, roman, éd. M.E.O. (réédition), 2017.

Il s’agit en fait de la réédition, revue, du second roman de Liliane Schraûwen, paru aux éditions des Éperonniers sous le titre Briser la fenêtre en 1976, couronné à l’époque par le prix littéraire du Parlement.

Le lecteur est frappé d’emblée par la haute qualité stylistique de ce texte. Ainsi, l’emploi contrasté des temps et des modes, on passe sans transition de l’indicatif au conditionnel, du présent au futur ou au passé simple, ce qui est un peu déroutant au début, et puis l’on s’y fait, et cela rend fort bien le désarroi de l’héroïne: le temps  grammatical devient lui-même une sorte de mixte où tout se confond. Il en va de même des pronoms et des personnes: tantôt la première, qui donne au récit des allures d’autobiographie, et puis  un personnage d’abord un peu énigmatique, L, qui, toute comme le K de Kafka donne au récit l’allure d’un apologue, légèrement exemplatif: au travers de L, ce sont tous les enfants malheureux, toutes les femmes battues, toutes les femmes internées en clinique psychiatrique, qui prennent le devant de la scène, et ne vont plus nous lâcher. L =Elle. L parle d’elle. Ou bien c’est l’inverse. Des procédés qui agrippent le lecteur avec une force de conviction sans égale.

Mais y aurait-il la une sorte de fatalité, de « C’était écrit » contre lequel on ne peut se rebiffer? Non, bien sûr. Il y a la force du destin, mais il y a aussi la force des humains, camarades. Il y a ces quelques mains tendues au travers du récit, ces regards d’abord timides et qui peu à peu se posent avec plus d’assurance. Et nous voilà ainsi conduits, de chute en chute, d’échec en échec, de reprise en reprise, à cette belle finale:

Tu comprends, ses enfants ont besoin d’elle, peut-être.

Les enfants l’attendent, quelque part, mes enfants m’attendent.

Ils nous attendent, L et moi.

Elle et moi.

 

Nous.

 

Je.

 

Je voudrais qu’on brise la vitre. Je veux qu’on ouvre la fenêtre.

Joseph Bodson