L’intégrale cåzî complète de l’œuvre d’Elmore D en cinq CD – L’intégrale presque complète de l’œuvre d’Elmore D. en cinq CD

 Les amateurs de vrai wallon, celui qui part des tripes et vous prend au cœur, vont être gâtés. Quant à ceux qui ne le connaissaient pas encore, c’est une belle surprise qui les attend, avec cet homme au bonnet noir qui gratte sa guitare électrique. Un cocktail à première vue inattendu : non pas nos’ vî walon, mais un wallon tout neuf, tout jeune, que l’on aurait trouvé bien vivant, à peine sorti de ses langes, et criant à pleine voix sa joie et sa peine d’être au monde. Des joies et des peines toutes nouvelles, et quasiment éternelles. Toutes fraîches écloses sur les berges de Meuse, dans les pauvres quartiers de Herstal, rue Pied du Bois Gilles, cour Leruth ou rue Faurieux.

daniel

Car c’est bien cela, le blues tel que le conçoit Elmore D., alias Daniel Droixhe. Pas de la littérature, au mauvais sens du terme, mais des mots, des vrais, avec leur poids de chair, de faim, de soif, de souffrance et d’amour. Qui viennent du peuple et qui y retournent. Souvenez-vous donc : quand Adam bêchait et qu’Eve filait, où était le gentilhomme ? Mais aussi avec cette pudeur, cette retenue, qui bannissent la déclamation aussi bien que le narcissisme.

Ce sont des chansons ouvertes à tous les vents, où l’on entend tantôt un écho des vieilles chansons du Moyen-Age, des vertes chansons qui n’avaient pas peur des mots, telles que Brassens les a fait revivre ; ce sont des chansons à rire et à pleurer, à rire des ridicules, à se moquer des pouvoirs établis, comme pouvaient le faire Saint-Amant ou Théophile de Viau ; ce sont des chansons surtout qui célèbrent les petites gens, avec des musiques bien à eux, sur des airs de blues qui leur vont comme un gant. « Let us now praise famous men, and our fathers that begat us. » Louons maintenant les grands hommes que furent nos pères, comme disait le Siracide repris par James Agee. Car il n’y a pas si loin de l’Alabama 1936 à Herstal 1936, et à Herstal 2050, si le monde continue à aller comme il va.

Et cela nous vaut des grands hommes qui s’appellent Li Rwè dèl rowe d’Erquy (le roi de la rue d’Erquy), Djoyeûs Pèheû (Joyeux Pêcheur), Johnson qui veut revenir à la maison…

Mais la gouaille n’est jamais loin de la goualante, une goualante à vous fendre le cœur, une gouaille à rire tout son saoûl. Et, songeant à ceux qui se sentent tout , mièrseûs, – eh oui, cela arrive, même dans notre monde des foules, où la communication tourne parfois à vide – c’est sur cette chanson, non loin de l’Auvergnat, que nous nous quitterons :

Qwand t’enn’ârès t’ sô

Dès lives èt dès voyèdjes,

Qwand t’ènn’ârès t’ sô

Dès fîves èt dès-orèdjes,

Vègn’ è m’ couhène

Mutwèt qu’on n’ djåz’rè nin,

Mins dji wåde ène

Tchanson po l’ måva timps

 

Twè qui qwîrt di l’ovrèdje,

Sins trop’î creûre,

Ét qui s’ètind dîre

Qu’i sufih dè l’voleûr,

Vègn è m’ couhèn, etc

 

Quand tu en auras ton saoûl/Des livres et des voyages,/Quand tu en auras assez/Des fièvres et des orages,/Viens dans ma cuisine./Peut-être qu’on ne parlera pas/Mais je garde une/Chanson pour le mauvais temps//Toi qui cherches du travail,/Sans trop y croire,/Et qui t’entends dire/Qu’il suffit de le vouloir/Viens dans ma cuisine, etc

Joseph Bodson

Sont recueillis ici les enregistrements parus de 1997 à 2008, avec une introduction de Daniel Droixhe, qui salue au passage uelques amis musiciens et autres, et un avant-propos de Jacques De Decker. Editions Frémeaux et associés, ou bien chez l’auteur : Daniel Droixhe, 042/64.89.59. Voici aussi son numéro de GSM : 0472 40 56 30.