Liza Leyla, Mille et une couleurs de l’aube (Du Crépuscule au Paradis de Lumière), poèmes, éd. Muse à Sarrebruck.

Liza Leyla (Elisa Muylaert) est une de nos poètes sensibles. Sa poésie se remarque par sa musicalité, ce qui est suffisamment rare de nos jours pour qu’on le souligne trois fois. Liza ne cherche pas des vérités inédites censées être celées dans le désordre des mots qu’elle ordonne. C’est une grande païenne qui adore la lune, le soleil et les étoiles. Elle aime la lumière, le vent, les baisers, les fleurs, les oiseaux, l’abandon, la Dolce vita. Elle ne se presse point. Elle va son train afin de goûter le suc de la vie. Elle sait que le tragique est l’obsession du temps, qui n’est rien. Et cependant, dit Bossuet, si l’on nous prend le temps, il ne nous reste rien. » Aussi elle tente de le retenir en ne le précipitant point. Elle l’enferme dans l’écrin des mots. Sa philosophie est d’aimer, c’est l’amour. L’amour qui n’est pas acte seulement, mais état d’esprit: comme les vacances, les voyages, la poésie. Cette fille de lenteur est volupté:

C’était au bord du Gange/qu’elle entama les danses lascives/savourant la Fleur d’Amour/brûlant ses désirs les plus secrets.

Elle est Ananda Fleur de Joie:

Un bouquet de fleurs/fleurs de joie lascive/offerte aux dieux cruels/du Fleuve sacré//Du fond de ses yeux de biche/saphirs scintillants de Siam/Amanda scruta dans les cendres/l’élixir de l’inespéré.

On remarquera la richesse de ces petits vers scintillants comme des diamants. Il faudrait citer en entier La Fille du Diable, véritable bijou de poésie littéraire qui mériterait de figurer dans une encyclopédie.

Je suis Fille du Diable/Je préfère le cocher au vicomte/Dieu soit loué//Je m’appelle A-miel/On me dit Fille du Diable/défigurée par une dartre/marque indélébile du Diable.

Cependant en ces parures le poète parvient à faire écho aux drames qui font la rumeur du monde:

C’est un jour de silence à Beyrouth/le silence de décombres.

Elle invoque les divinités mythologiques, évoque Cybèle:

Déesse souterraine/stalagmite en érection/perle des cavernes/reine des léopards.

En 71 poèmes, rondeaux entraînants, pizzicati brillants, elle exalte la vie, les plages de sable inondées de soleil, la nature luxuriante, la joie simple d’exister au monde et de persévérer en son être. Trop indépendante pour s’enfermer dans un cénacle, elle n’en est pas moins l’un de nos poètes qui comptent. Écrivain, traductrice (assermentée près le parquet de Bruxelles), elle a enseigné en français en Flandre et poursuit des études de philosophie.

Engagée  dans des projets humanitaires pour la paix, elle est à l’origine d’une mission d’alphabétisation à Mamoridou.

Marcel Detiège