Louise Warren, Voir venir la patience ,  Les éditions du Passage, Outremont, 2014, Québec

 Écrire aurait-il à voir avec le geste de tracer ou de déplacer un horizon ? Enjeu qui nous dépasse et qui, nous dépassant, nous ramène sans cesse à la question du sens comme à celui de la voie à tracer coûte que coûte. Et cette voie, souvent enchevêtrée, commence dans l’ici, sous le fatras des jours, que la méditation poétique – pour l’appeler par son vrai nom – dégagera, libérant les cernes du quotidien où s’enracine le poème.

C’est ainsi chez Louise Warren que le vers ouvre la route et le regard, à moins que ce ne soit l’inverse, mais le résultat est le même. Dans l’anfractuosité sommeille un vertige qu’une langue pure et nette dessine au scalpel du mot. Encore faut-il vouloir et pouvoir le regarder en face, ce vertige, le délivrer du piège de mourir. Alors, la solitude ouvre une noix. Avec elle, tout le mystère d’une forme, d’un ton, d’un parfum, d’une chair et de son enveloppe. Exhalaisons exaltantes ! Noix de la pensée où s’enroulent nos fausses évidences.

j’appelle
une présence sans visage
j’appelle doucement
sans supplier
immobile

les yeux ouverts

 

Dès le seuil, la poète a lancé sa ligne dans le lac fardé du jour. Elle en tire les linges poétiques de l’instant et nous rend témoins de la mutation qui s’opère en elle et sur le monde.

Oui, le poème est révélation et pacification du réel exacerbé, grâce auquel voir venir la patience est un baume sur l’oubli que le langage [me] renverse dans un mouvement aussi léger qu’une lente lumière espérée.

 

Article de Béatrice Libert, 21 mars 2014.