Une philosophie en actes

Luc Templier, L’Art de vivre, Paris, Dervy, 2016, 144 p., illustré de calligraphies de l’auteur.

Cet essai, sous-titré « 52 lettres à une jeune Artiste », est signé par un formateur en calligraphie, Luc Templier (Corbeil, 1954 ; vit et travaille à Marche-en-Famenne). Il prétend que «  le créatif est celui qui sort du cadre »  ou, pour se référer à une interview qu’il a donnée : celui qui s’éloigne des normes. Il s’efforce de donner à une interlocutrice virtuelle des réponses à ses questions vitales. Idéalement, ce livre se prête à lire et méditer une lettre par semaine pour en tirer de quoi réfléchir sur nos comportements durant une année.

Pour l’auteur, l’esprit créateur est en chacun. Il vaut mieux être qu’avoir et, par conséquent, renoncer aux combats inutiles susceptibles de ne servir que l’orgueil. À ses yeux, un artiste (il lui accorde une majuscule) est un guide, un individu en avance sur son temps, un porteur d’espérance.

Pour parvenir à exister mieux, il convient de donner davantage de place aux sentiments qu’aux émotions car ces dernières se nourrissent du passé. Avant de déterminer un choix, il est bon d’explorer tous les possibles afin de se débarrasser du doute. D’où l’importance de cultiver sa faculté d’émerveillement et de prendre des risques en opposition avec le confort (n’est-ce pas un mot qui mène à conformisme ?).

Se considérer comme dépourvu(e) de talent tient dès lors à un manque d’audace. C’est là une manière de jugement, or juger n’est utile que si cela intervient après l’accomplissement d’une action et permet de tirer des leçons d’un échec, sinon se décrier soi-même paralyse l’exécution. Vouloir avoir raison risque de ne mener qu’à des blessures d’amour propre.

Vivre et créer ne sont pas des notions séparées. L’un et l’autre ont besoin de cohabiter, collaborer. L’être humain trouve sa place au centre de quatre axes : Art, Foi (à ne point confondre avec religion), Amour, Action.  Selon le postulat formulé par Templier, les contraires coopèrent : pas question de se focaliser sur la beauté ni de nier la laideur dans la mesure où mettre ces deux éléments en opposition n’est qu’une manière de se rassurer. La vigilance pose sa neutralité entre le réel et son interprétation.

Le regard s’avère primordial pour changer de point de vue, prendre conscience du monde et, finalement, penser, sachant que notre perception d’autrui est forcément erronée, tout comme celle d’autrui vis-à-vis de nous. Si bien que « si vous êtes sensible à la critique, c’est probablement que vous l’êtes également trop aux compliments et aux flatteries ».

S’il est bénéfique de viser la perfection, il est salutaire de savoir qu’elle est inaccessible, tout en continuant à la chercher. Précisément, les contraintes, en dépit des apparences, sont ce qui permet de dépasser ses limites, d’aller au-delà de ses habitudes ; elles mènent à la liberté de créer.

La conjonction voulue par Templier entre la vie et la pratique d’un art peut sembler être une évidence pour certains. Mais si elle paraît, pour ceux-là, composée de propositions élémentaires, elle s’adresse avant tout à ceux qui cherchent, tâtonnent, doutent qui trouveront sans doute nourriture substantielle à travers cette succession de lettres.

Michel Voiturier