Marcel Brocq – Aventures et mésaventures d’un chauffeur de buséd. La boîte à Pandore – 228 pages – 17,90 €

 

Le sujet peut sembler anecdotique et sans grand intérêt mais il illustre bien la déshumanisation trop fréquente des relations humaines. Et si l’on veut penser à ce chauffeur comme à un homme et non comme à une pièce du véhicule, on peut changer de point de vue. Il faut bien dire que les chauffeurs, qu’ils soient de bus, de tram, de métro ou de train, ne comptent guère plus aux yeux des voyageurs qu’un élément quelconque du moyen de transport utilisé. Bien sûr, théoriquement, on se récriera en lisant ces lignes. Et pourtant, outre ceux qu’on ne voit pas (train), qu’on aperçoit à peine (métro), accorde-t-on un mot ou un regard à ceux qu’on voit de face en entrant dans le tram ou le bus ? Un bonjour, un sourire leur feraient peut-être plaisir ?

Encore, dans un train ou un métro, le conducteur est-il bien isolé dans sa cabine, à l’abri des humeurs et agressions des voyageurs, bien tranquille sur sa voie personnelle, et sûr de son itinéraire et de son horaire. Ce n’est pas le cas d’un chauffeur de bus, confronté jour après jour physiquement et psychologiquement aux passagers et aux problèmes qui peuvent en résulter, aux aléas de la circulation et des conducteurs excédés, aux voieries étroites ou encombrées, aux aménagements urbains mal pensés pour des véhicules de cette taille, sans compter les horaires de fous à respecter sous peine de sanctions et de récriminations, les modifications imprévues de trajets suite à travaux ou accidents survenus sur la route… et il ne s’agit pas de se tromper et de devoir faire marche arrière entre deux files de voitures à l’arrêt, ou de louper un arrêt provisoire.

Qui a déjà pensé que pour avoir un premier bus à 4h du matin par exemple, il faut que le chauffeur se mette en route beaucoup plus tôt ? C’est qu’il ne loge pas au dépôt, c’est qu’il n’y a pas encore de bus à cette heure-là, pour rejoindre le dépôt. Et il faut toujours être à l’heure pour prendre son service, frais et dispos, quels que soient les horaires (variables) qui lui incombent. Qui sait qu’avant de prendre son service, un chauffeur doit effectuer certaines vérifications et qu’en le quittant, il doit encore remplir un rapport ? Tout cela, et bien d’autres choses, nous est raconté avec verve et humour dans ce livre dynamique car, le croirait-on, l’auteur aime son métier et en tire de savoureuses anecdotes, qu’il nous fait partager. Pourtant – et je l’ai lu aussi dans le livre d’un psychiatre – ces chauffeurs souffrent souvent de dépression suite à la pression constante du métier et à l’indifférence des passagers. Alors, un petit sourire, un petit bonjour la prochaine fois qu’on prendra le bus ?

Isabelle Fable