Marcel Ghigny, Deus Vult, roman, éditions Bernardiennes, 341 pages

Un roman foisonnant qui nous transbahute entre Bruxelles et la Syrie, à l’époque des attentats que connaissent actuellement nos pays occidentaux, avec des retours en arrière en 1963 qui éclairent progressivement le présent de l’intrigue.

Voici en bref le cœur de ce roman, un thriller bien mené, avec des énigmes codées du genre Da Vinci Code, mais pas seulement. Il questionne abondamment le lecteur. Sur les religions (en particulier la religion catholique et l’Islam), leur « utilité », leurs complémentarités, mais aussi sur les dérives et les guerres qu’elles provoquent, sur tous leurs effets désastreux.

C’est aussi un roman humaniste qui pose le problème douloureux des réfugiés.
J’accueille des réfugiés dans mon église. Mais au fond de moi, je préférerais qu’ils rentrent chez eux. Qu’ils retrouvent cette paix méritée. Qu’ils évitent de s’installer dans les dernières maisons tenues encore par les vrais Bruxellois, les vrais, comme moi. Ceux dont l’enfance a disparu dans une ville qu’il ne reconnaissent plus.

L’auteur amène à s’interroger sur les contradictions des hommes, mais aussi sur le potentiel d’échanges et d’entente entre eux, quelles que soient leurs croyances (même si dans les faits, le contraire semble hélas souvent prévaloir).

Le roman aborde aussi, en filigrane et avec délicatesse, le problème de l’homosexualité et du célibat des prêtes qui, au fond, ne sont que des hommes…
Deux personnages centraux dans ce livre, et une série d’autres qui gravitent autour. Tous deux se sont connus adolescents, ensuite perdus de vue, avant de se retrouver bien des années plus tard, retrouvailles dont on ne dira rien des circonstances afin de ne pas dévoiler les secrets de l’intrigue.
L’un, Daniel, est archéologue. Il est pris en otage et fait prisonnier dans la Syrie d’aujourd’hui plongée en pleine guerre. Bien que chacun erre dans sa foi respective et qu’ils ne peuvent donc pas « se comprendre », une amitié se noue entre Daniel et son geôlier islamiste. L’on pourrait être un peu dérangé par cette sorte d’affection relatée qui lie les deux hommes, par ce qui pourrait passer pour une certaine complaisance envers les combattants d’Allah. Mais bon, on se laisse prendre quand même… La vie n’est-elle pas comme ça, pleine de contradictions, rien n’est tout à fait blanc ni tout à fait noir et, sans doute, personne n’est-il fondamentalement et totalement mauvais.
Nos fois diffèrent, mais un appel à la prière reste un appel à la prière. Ce chant m’accompagne depuis si longtemps, qu’il est inspirant pour moi aussi.
L’auteur n’essaye pas de répondre aux questions, il les pose sans prendre parti.
L’autre personnage, c’est Victor, de deux ans le cadet de Daniel. Il a fait le choix d’être prêtre et officie dans une paroisse de Saint-Gilles. Bien qu’il ait très tôt trouvé sa vocation, cela ne l’empêche nullement de douter, d' »oublier Dieu » de temps à autres. Il tisse de vrais liens de confiance avec une musulmane qui l’aide à gérer le pauvre petit peuple de réfugiés de tous bords abrités dans son église. L’un de ces réfugiés, puis d’autres, seront assassinés…
Bref, un roman intéressant et passionnant, bien écrit et bien construit, et qui, en nous poussant dans nos retranchements, nous fait réfléchir.

Martine Rouhart