Marguerite Marie James, La crucifixion de Pierre, roman, Novelas, 2014

 

La crucifixion de Pierre est à la fois le roman d’une vie et une réflexion sur la vie. Au départ, Oriane semble avoir tous les atouts pour être heureuse : des parents aimants, une tante libre d’esprit, un jardin merveilleux pour s’ébattre et toutes les illusions de l’enfance.

Marguerite Marie James, La crucifixion de Pierre, roman, Novelas, 2014.

Très vite cependant, cet univers paradisiaque va se muer en piège diabolique. Oriane a dix ans lorsque sa tante décède. Ensuite c’est au tour de sa mère. Oriane entre donc dans l’adolescence entourée de son père Emile et de Simon, collègue de celui-ci et ami de la famille. Plus instruit qu’Emile, Simon donnera des leçons très particulières de latin et de mathématiques à Oriane. L’engrenage fatal est amorcé : à 15 ans, Oriane se prend d’une passion funeste pour Simon qui, bien que son aîné de 40 ans, n’y résiste pas. Or, Simon est marié à une demeurée, sorte de mariage blanc qui à ses yeux ne le lie pas. Il s’ensuit un imbroglio auquel sont mêlés les deux familles sans compter les voisins et connaissances, prompts à répandre les rumeurs.

Aussi la vie d’Oriane sera-t-elle un véritable chemin de croix, dont je ne révélerai pas toutes les péripéties. Au-delà de l’intrigue, La crucifixion de Pierre abonde de réflexions sur la vie, sur les sentiments et les préjugés. Marguerite Marie James est experte dans l’analyse des tourments de l’âme. Elle utilise fréquemment la forme interrogative quand il s’agit de souligner le désarroi d’un être dont l’avenir semble aussi sombre qu’un ciel d’orage. « Et si c’était un lâche », se demande-t-elle, lorsque Simon, après les premiers temps de l’ivresse amoureuse, tente d’échapper au piège dont il est à la fois l’instigateur et la victime consentante. Il y a quelque chose de racinien dans ce drame de la passion.

Du reste, le roman fourmille d’allusions littéraires et artistiques, dont l’auteur s’est manifestement nourri. Jusqu’à ce titre qui fait référence à un tableau situé dans l’église Saint-Pierre à Wezembeek-Oppem. Veut-elle suggérer qu’à l’instar de Pierre – Simon-Pierre ? – nous sommes tous condamnés peu ou prou à porter notre croix ? Et à être un jour crucifiés ? La symbolique de la mort est bien présente, et aussi celle de la résurrection. La souffrance a-t-elle un sens ? Le roman n’apporte pas la réponse, mais indique une voie, celle de la spiritualité.

Il reste à s’interroger sur le rapport entre la narratrice – l’auteur ? – et l’héroïne. Visiblement elles sont très proches. Au début du récit, une femme se repose dans son jardin. Les années ont passé. Elle jette un regard lucide et apaisé sur sa vie. Comment ne pas voir en filigrane le double de Marguerite Marie ?

Enfin, la qualité littéraire du roman est évidente. Citons à titre d’exemple la visite de Bruges (page 78). Les descriptions sont toujours étroitement associées à l’évocation des sensations et des sentiments. Le jardin est très présent aussi, comme si les arbustes et les fleurs étaient sollicités pour garantir le renouveau – la résurrection ? – après l’épreuve de la vie et de la mort.

Jacques Goyens