Marie-Clotilde Roose, Le poème quotidien, Merlin, Déjeuners sur l’herbe, 2014, 62 p.

Le titre du recueil de Marie-Clotilde Roose semble faire écho au « pain quotidien » de la prière du ‘Notre père’ des chrétiens. C’est dire pour l’auteur et aussi pour ses lecteurs à quel point la pratique de la poésie s’avère une nourriture essentielle, vitale, indispensable.

Les textes partent de l’élémentaire le plus ancien de la civilisation européenne puisqu’il puise ses fondements thématiques dans les fameux quatre éléments constitutifs de notre univers selon le philosophe grec de l’antiquité Empédocle. L’auteure ne définit-elle pas la vie, en conclusion de son livre, comme ce qui tient serrée son âme « entre la terre et l’air/l’eau légère et le feu » ? Du coup, en toute logique, ses vers donnent place prépondérante à la nature et aux êtres vivants qui la peuplent.

Le décor, et parfois l’action, ce sont le minéral, le végétal, l’animal. Les plantes, les volcans, les mers et leurs poissons, le ciel et ses nuages et ses intempéries ou les astres et les météorites. Il y a interaction entre l’être et l’environnement. Si bien qu’il se produit des échanges entre eux. Si bien que la faculté d’être vivant est tiraillée entre deux tendances antagonistes : le dedans avec le dehors, le monde intérieur de la pensée et de l’imaginaire avec le cadre de vie et son environnement tangible.

Et tant qu’à partir de l’élémentaire (c’est-à-dire le fondamental), le vocabulaire utilisé reste volontairement dans la simplicité, loin de la recherche de termes savants ou sophistiqués, loin de toute intellectualisation, quotidien oblige. Le concret prime et les abstractions de la pensée sont rares. Les ellipses condensent. Des expressions courantes se voient déformées en images ; ainsi pour le crépuscule qui devient « à la tombée du loup / à la venue du chien ». La mélodie de la phrase déroule de subtiles consonances : «  mais si je suis le grain / pétri par ses mains tièdes / ai-je jamais été / à moi-même donné ? ».

Le temps demeure une préoccupation constante. C’est en effet lui qui nous conduit à travers notre existence pour nous mener, en définitive, à la fin dernière. Il est le témoin de l’éphémère, celui qui interroge à propos de ce que nous laisserons derrière nous. Marie-Clotilde l’affirme : « Je t’écris au crayon / puisque tout s’efface / le monde, ses traces / y compris le poème / même toi, même toi ». Qu’importe, ce qui compte est la vie et comment on lui donne saveur, et comment on y découvre de quoi enrichir ses émotions et ses plaisirs.

Michel Voiturier