Marie Fizaine, Le goût de la terre, éd. L’Harmattan, 13  €.

Marie Fizaine est une personnalité importante dans la région de Florenville. Animatrice du Foyer culturel local, elle a fondé la Fête des Artistes et Artisans devenue Festival du spectacle des rues à Chassepierre. Elle est l’auteur de romans régionalistes dans la veine de Jean Mergeai, genre dans lequel elle excelle à décrire la vie quotidienne dans les villages  gaumais d’autrefois. Elle y exalte l’amour de la terre nourricière,, le respect du travail régulier et bien fait, la simplicité honnête d’un temps où l’on acceptait son sort sans se poser de questions. Elle y décrit également les conflits de générations qui viennent souterrainement troubler la sérénité du foyer. Le village lui-même est une grande famille non dépourvue de finauderie et que traversent de secrètes rivalités. Faut-il regretter ce temps? Le village semblait vivre en autarcie. Les seules autorités que l’on y révérait étaient le bourgmestre (le maître du bourg), qui n’était d’aucun parti,, si ce n’est celui de ses administrés; le maître d’école, détenteur du savoir; le curé qui chassait par ses prières les orages et faisait revenir le soleil. Le jeune héros de ce roman, Jérôme de Valena, ne se contente point de cette vie figée et rassurante. Il veut découvrir le monde,, monte à la ville. Il s’engage, comme l’on dit, dans les armées, est incorporé à la fringante cavalerie, goûte à tous les blandices de la vie urbaine. Jusqu’à ce qu’une lettre le rappelle d’urgence: la mort du père le requiert à la succession. Il revient à son corps défendant au village qui lui est devenu étranger, et qu’il va devoir redécouvrir, réapprendre, comme il devra, grâce à l’initiation d’un zélé domestique, s’éduquer au métier d’homme de la terre. Peu à peu, il s’immerge dans la vie qu’il croyait d’un autre âge. Cependant, il y a belle apparence que le Grand Pan n’est pas mort. Il va par la force des choses mettre ses pas dans les pas du père, prendre sa place, et, au bout du compte, lui ressembler. Entre-temps, il épouse une fille de la ville, fait souche, est en butte à son tour à la volonté d’émancipation des neuves générations. Il aura la douleur de perdre sa femme qui ne s’était jamais vraiment acclimatée à la vie de ce village, et avait migré à la ville pour y seconder leur fille devenue commerçante. Enfin, il mourra, comme tout le monde, sans savoir pourquoi.

Ce livre, qui contient nombre de descriptions méticuleuses des scènes de la vie agreste, ainsi que d’âpres peintures de caractères, est écrit dans un style sans cérémonie, et qui s’est agrégé les familiarités de langage des gens du pays.

Au milieu du « pèle », le fils pressurait ses idées, réfléchissait,, ouvrait le placard. La « taque » antique l’intriguait. Tout en bas il y entassait les bûches afin d’en bourrer l’énorme poële en fonte qu’il fallait démonter de ses trois pièces pour le vider de sa suie au printemps.Sous le plafond, les buses couraient sur lma longueur du mur, perçaient l’épaisseur des pierres pour s’enfiler sous la cheminée de la cuisine.

(…)

Jérôme grimpa sur une chaise. (…) Surpris par la femme d’ouvrage il ordonna de passer la loque là-dedans

Elle sentit un siège glisser contre la pliure de ses genoux qu’elle repoussa pour s’emparer de l’essuie.

On citerait à plaisir tant cette prose est savoureuse.

Voici en conclusion un petit livre qui fera le régal de tous ceux qui s’intéressent à une époque, à la fois proche et lointaine, qu’ils ont peut-être connue personnellement ou par la mémoire collective.

Marcel Detiège