Martine Rouhart,  Aller-retour, Paris,  éditions Edilivre, 2014, 160p.,15 euros.

Encouragée par le prix Mons/Emile Poumon pour ses trois premiers romans, dont ce dernier-ci, Martine Rouhart  traite inlassablement  le thème de la quête existentielle du sens de la vie dans le récit de son héroïne, Aurore, confrontée , au risque de se perdre, dans une relation « virtuelle » avec Julien qui s’avère être aussi le jumeau de Gabriel, sa face antithétique dont ce dernier s’évertue en vain de retrouver les traces depuis longtemps.

Dans la première partie du récit, Aurore, infirmière dans le service d’oncologie d’une clinique de Bruxelles et restée seule après la mort de sa mère, est peu à peu séduite à distance par les courriels d’un mystérieux correspondant qui signe Julien. Elle rate le train qui devait la mener à une première rencontre, au Danemark, à Copenhague.

De son côté, Gabriel, devenu comme son jumeau Antoine docteur en droit, puis avocat comme son frère, mène une vie de famille harmonieuse et sage, mais a rompu avec lui à cause de sa vie dissolue d’affairiste corrompu. Il éprouve cependant le besoin de renouer avec lui, après son divorce récent.

A partir de là, les deux protagonistes, en proie au vide affectif, mènent alternativement leur quête  avec l’espoir de trouver soit la complétude de l’amour vrai pour Aurore, soit pour retrouver la vraie fraternité pour Gabriel, mais les cartes, dans un premier temps, se brouillent, pour l’une, dans une attente sans réponse, mais avec une invitation directe par téléphone ,et, pour l’autre, sur une fausse piste de détective, à Rome.

Dans la seconde partie d’ « l’aller-retour », en route vers Copenhague, elle est gagnée par le doute et la crainte du piège du mirage …

Coups de théâtre, aussi bien du côté d’Aurore que de celui de Gabriel, qu’on ne dévoilera pas ici.

Dans la troisième partie, on retrouve Aurore, mariée, avec un enfant, et Antoine qui mène une vie dangereuse avec la maffia de Moscou…

Tant par la composition à retardement et en suspens  des touches  les plus significatives et les plus subtiles de la narration que par le style, on retrouve les même qualités littéraires dans ce dernier roman de Martine Rouhart : la narratrice Aurore  qui écrit à la première personne emporte le lecteur dans ses plongées intérieures les plus intenses et les plus fortes, avec toujours les petits joyaux poétiques ou des échappées d’envol d’oiseau  telles  que, à titre d’exemples :«  mon âme s’est muée en oiseau » ou « Une clameur dans le ciel attire machinalement ses yeux vers l’angle aigu d’un vol d’oies sauvages…/…comme s’il s’agissait d’un signe mystérieux attendu ». ou encore des maximes : «  peut-être aime-t-on mieux l’image d’un être plutôt que cet être lui-même » et même encore  ce genre de réflexion sublime touchante  parmi tant d’autres : «  La roue tourne et le monde reste immuable sous les étoiles…./…Nos petits bonheurs et nos drames personnels nous réjouissent ou nous accablent, mais ils ne sont rien pour le reste du monde. »

Martine Rouhart confirme  ici  après «  Au fil des pages »2012 et« Puzzle »2013 chez Memory  avec brio ses qualités propres et son premier prix largement mérité : la preuve , avec la parution annoncée de son prochain roman sous le titre de «  Séparations », à paraître chez Dricot.

Jean-Pierre Grandjean.