nysMathieu Gimenez, Colette Nys-Mazure, accordée au vivant, Avin, Luce Wilquin, coll. L’œuvre en lumière, 2014, 202 p.

Parcourir l’œuvre de Colette Nys-Mazure, maintenant nourrie de nombreux volumes et recueils, c’est forcément faire référence à sa biographie. Les liens avec les drames et les bonheurs qu’elle a vécus sont en effet évidents. Il est clair, par exemple, que la perte de ses parents durant son jeune âge a été un événement initial capital.

Voilà ce à quoi s’attache Gimenez en tentant de relier écriture et vie. En remarquant à quel point l’acte d’écrire de cette auteure sert à déchiffrer le vécu avec pour objectif de « voir plus clair dans ce qui est à vivre ».  Il insiste d’abord sur « la conviction que la vie mérite d’être vécue intensément » dans une optique de « spiritualité chrétienne » et de sensualité charnelle. Partie d’un « vocabulaire de la désespérance », la Tournaisenne aboutit « au choix de la lumière et de l’enthousiasme ».

Être femme et être mère sont deux axes essentiels tant pour l’écrivaine que pour les femmes dont elle trace le portrait. Elle repère « les fragilités fécondes qui rendent plus fortes ». En dehors de cela, les thèmes abordés sont variés : solitude, enfance, quotidien, sens de l’émerveillement, bonheur, peinture, mort, rôle de la lecture et par conséquent de la littérature. Bien entendu s’y ajoute l’amour, un amour « jamais considéré comme stérile ou égocentrique ». Le tout porté par l’espérance « moteur de sa quête de joie et de beauté ».

Un des intérêts de cet essai est aussi de proposer des approches plus analytiques sur les façons dont les textes sont conçus et travaillés. Sans sombrer dans la froideur d’une approche trop structurale, Gimenez montre à quel point chez Colette Nys-Mazure il y a porosité entre les genres littéraires.

Il souligne les schémas de construction des écrits narratifs.  Il relève l’emploi de certains modes verbaux, l’importance d’un vocabulaire métaphorique, la fréquence des questions posées aussi bien aux personnages qu’aux lecteurs de même que le tutoiement. Il signale l’usage coutumier de phrases averbales dynamiques, de juxtapositions et, pour les poèmes, indique leur aspect visuel parsemé de blancs méditatifs ou rythmiques.

Après avoir fait un détour par la révélation de moments intimes entre l’auteure et son écriture, il constate que, sous la simplicité apparente, la complexité est réelle. On résumera cette investigation dans une œuvre en affirmant comme lui : « L’art de vivre de Colette Nys-Mazure consiste à choisir la joie au contact de la dureté de l’existence qui l’écorche ». Mais la conclusion, le lecteur la forgera à travers un entretien et quelques textes inédits qui terminent ce volume.

Michel Voiturier