Maurice Carême – Fables – éditions L’Age d’Homme – 107 pages – 15 €

Voilà Maurice Carême qui, tel un magicien, nous sort de son chapeau un dixième recueil posthume, par l’entremise de la Fondation qui porte son nom. En avait-il, des textes de réserve, pour continuer ainsi à nous parler par-delà l’au-delà, le prolifique musicien des mots …  Ce recueil-ci, intitulé très simplement Fables, en compte près d’une centaine.

Certains sont véritablement des fables, ouvrant sur la gravité profonde du monde, tel celui intitulé La vérité. Cette vérité, toujours cherchée, longtemps murée, qui sort du puits et se promène toute nue. Nul ne la reconnut. Trop simple, sans doute, trop évidente. Trop dure aussi, peut-être ? Lorsqu’elle se pare d’un collier d’or, quelques-uns crurent en elle. Habillée et maquillée , on la reçut  comme une princesse. Alors, se croyant assurée/ d’être admirée /pour elle-même/ elle osa se présenter nue/ dans  un salon où recevait la reine/ Le soir, elle était en prison…

D’autres  participent plutôt de la poésie pure, de la fantaisie pleine d’humour, dont il jouait pas mal aussi. La quatrième de couverture ne nous parle-t-elle pas de « cet attrait qui était le sien pour le non-sens et en particulier pour la poésie de Lewis Carroll ? » Car, si sérieuse que soit la vie, il ne faut pas la prendre trop au sérieux. Un brin de fantaisie, d’invraisemblable imaginaire, pimente agréablement les milliers de jours trop semblables. Tel cet homme qui, n’ayant pas de poules, élevait des moules pour avoir des œufs frais. Mais à force de manger des œufs de moules, noirs, il devint noir comme un Bantou et fut contraint d’acheter des poules pour retrouver son teint de lait ! Absurde, n’est-il pas ? C’est de l’humour, c’est de la poésie. C’est du bon sens aussi : il ne faut pas imaginer forcer la nature : pour avoir des œufs de poule, il faut avoir des poules… Ainsi, sous le couvert d’une faribole, Maurice Carême nous ramène à la réalité, après cette incursion dans l’imaginaire poétique.

Comme dans tout recueil de fables qui se respecte, les animaux ont la part belle pour nous faire la leçon. La plus belle peut-être est celle que nous donne L’oie. Née blanche par nature, elle croit à la justice. Et quand le maître cruel la tue, l’embroche et la cuit nue, elle se dit qu’être mangée à Noël la fait encore mieux croire au ciel.

Heureux les simples d’esprit car le royaume des cieux est à eux. La bonne solution ? Regarder à travers la vitre, où l’on voit le monde, plutôt que le miroir, où l’on ne voit que soi. C’est infiniment plus passionnant.

Isabelle Fable