Maxime Coton, L’imparfait des langues, L’Arbre à paroles, 2014, 56p., 6,50€.

Deux êtres se sont apprivoisés, entre Helsinki et Bruxelles. Langue de l’autre apprise ou approchée. Langue de l’autre saisie au jeu des corps.

Deux êtres se sont quittés…

Sur cette trame hyperclassique, Coton, avec ce troisième livre, décode, en trente-sept petits poèmes aux formes variées (poèmes versifiés, proses), en trois parties presque égales (14,11,12 textes), le tissage amoureux, révèle une histoire qui est déjà finie, d’où l’imparfait du titre.

Topographie et sentiments glissent leurs métaphores, conjoignent leurs territoires : « je fis ce chemin jusqu’à toi », « nous sortons sur la route en pointillé », « je suis né dans ta langue, rue du corps »…De la naissance de l’amour (« nos langues se cherchent »… »,  « amour qui bourgeonne »…) à l’érosion du couple, Coton décline une « aventure » d’aujourd’hui où langue, sexe, sentiment forment d’improbables dérives et laissent traces.

En dépit de quelques clichés et facilités (cœur qui bat -long fleuve tranquille – bonheur sans fin – nulle autre pareille – nuages tapis de …), et de quelques scories précieuses de constructions (dignes d’Aragon : Nous avons franchi le gué Que d’être ensemble – Je te suis où je peux si bien que je ne sais plus qui de toi ou la ville j’aime – le plus tors loin m’en est l’envie…), la langue du poète ménage de belles chutes : « je cherche la mécanique du sensible » ou « Tagge les cursives de mon cœur ».

Tributaire de Prévert (jeu sur le signifiant), de Romus (ah ! ces couteaux et cendres romusiens !, poussières des lectures !), la poésie de Maxime Coton est une langue des corps qui, avec le recul, « s’ouït », pour reprendre le terme du poète. Il ne faudrait pas qu’elle s’écoutât trop chanter : la sobriété du « Geste ordinaire » est, selon moi, plus grande, sinon plus agissante.

 

Philippe Leuckx