Michel C.Westrade, Ethers noirs, éd.Chloé des Lys, 125 pp,2013.

noirs

De quels éthers s’agit-il? A nous de le deviner…L’éther, l’un des éléments selon certains philosophes, était une sorte de quintessence de l’air, proche du feu, le plus raréfié qui soit. Ou alors, l’éther de la médecine ou de la drogue, incolore, à l’odeur forte. Rien que du rouge ou blanc, une sorte de pénombre fuligineuse.

Fantastiques, les nouvelles de Michel Westrade? Peut-être bien, mais alors d’un fantastique très quotidien, d’une sorte de monde à quatre dimensions, qui prend, parfois, des allures d’épopée ou de prophétie. Epopée de petites gens, de ceux que le destin mène sans savoir où ils vont. Familles marquées, burinées, requises par le malheur. Et il y a là, chez lui, en conformité avec un style un rien recherché – pas trop – des sinuosités, des bizarreries, des marques qui rappellent un peu Barbey d’Aurevilly ou Villiers de l’Isle Adam.

Mais rien n’est jamais fini, dans ces histoires de familles et de destinées: je n’en veux pour preuve que la fin, superbe, d’  Amédée: Le lendemain matin, on le retrouva raide, un sourire sur les lèvres, mort. A quelques-uns, il fut donné d’entendre, au loin, comme un air d’accordéon, à peine un filet de nostalgie et de joie mêlés, comme un printemps qui commençait.

Il y a aussi, comme en arrière-fond, mais qui parfois s’avance vers nous, ce grand peuple aux mains noires de terre, au dos courbé, qui ne parle pas beaucoup, mais dont tous les mots pèsent. Tout cela fera de ces contes noirs que l’on raconte, sur les bords de l’Escaut et dans les collines, à l’escriène.

Et chacune des nouvelles est introduite par une citation qui elle aussi pèse beaucoup, et vient des meilleures sources: Faulkner, Sciascia, Cadou, Milosz. Heureux homme à qui parlent les livres…

Joseph Bodson