Michel Cliquet, Aux portes du silence, Récit d’une méharée dans le désert libyen. Editions Muse, 2014, 72 pp.

 

Un récit de voyage? C’est plus que cela. Bien plus que cela. Notre ami Jean Botquin a vécu la même expérience, et en a rendu compte, en vers. C’est d’abord, et avant tout, un voyage vers l’intérieur, à la recherche de soi-même. Une sorte d’épure, de dessin ramené aux grandes lignes, à l’essentiel. En rejetant tout l’accessoire, les accessoires, une sorte d’épuration, si l’on veut, qui permet d’aller enfin à la rencontre de l’autre.

Un style ample et dénudé à la fois, comme un grand manteau déployé sur le sable, sur la mer, sur le ciel:

on ne peut imaginer le désert/seulement le rêver/tel une femme de sable/patiente et silencieuse et frémissante/fragile et dénudée entre les draps du ciel/peau mate et brûlante/offerte aux étoiles la nuit/le jour aux vents de sable/allongée lascive sous un firmament sans trace. (p.16)

Des paysages où l’on respire. Des notations brèves, précises, presque techniques, qui font d’autant mieux ressortir la beauté des images. Un lyrisme très maîtrisé.

Peu de ponctuation, pas de majuscules: un flot continu de notations précises, sur un ton assez neutre. La banalité des lieux: aérodrome, aire de stationnement. Chaque mot porte et sonne juste, avec beaucoup de phrases nominales. Serait-ce la sécheresse du désert qui joue ainsi sur le style, lui transmettant une part de son dépouillement? Mais l’auteur est attentif à tous les détails du paysage, et ne se contente pas d’à peu près. Des observations portées à la fois par une grande imagination poétique et un regard très pénétrant.

Et tout cela débouchera, comme nous le disions au début, sur une véritable refondation de soi-même, avec un stoïcisme, qui fait songer à la Mort du loup, de Vigny, et une réinvention du rite (pp.40, 46)

Ce soir, j’ai foi en l’homme (p.32)

Le désert est le miroir de notre âme (p.40)

 

Joseph Bodson