Michel de Coster, La Culture wallonne. Pourquoi n’est-elle pas soluble dans la culture française ? Ed.Mols Desclée de Brouwer 2013

 L’exposé entrepris ici pas le professeur de sociologie (Universités de Liège, de Louvain et de Genève) et membre du FNRS Michel De Coster vise à expliciter, en toute sérénité, la spécificité des mondes francophones wallon et bruxellois par rapport à l’univers franco-français, duquel ils tirent pourtant tant de racines communes tout en s’en démarquant si fortement, par ailleurs.

 En toute sérénité, répétons-le, car à aucun moment cet exposé ne s’avise de railler les rattachismes d’aucune sorte, ni les visées éventuellement expansionnistes de nos voisins dits d’Outre-Quiévrain par rapport à nos propres territoires de langue française : de même, il sera question, sobrement, des prétentions flamandes sur nos provinces ou sur nos gloires incontestées – sinon quelquefois par certains porte-drapeaux insatiables du Lion de Flandre  – mais sur ce sujet suffisamment connu et regrettable l’argumentation se fait modérée et, de plus, se révèle bien documentée, y compris en matière d’histoire et de culture du Nord du pays.

 Dès lors, le livre approfondit bon nombre de questions familières de notre problématique wallonne, car il s’agit bien de problématique si on en juge par notre absence de confiance en nos atouts et de totale carence d’auto-satisfaction, nous si réputés quant à manier au contraire l’auto-dérision.

 Mais on trouve aussi dans ces pages beaucoup de faits peu connus qui cherchent à rétablir une juste perception de notre passé face à ces voisins actuels ou à ces envahisseurs bien antérieurs, dont l’influence joue toujours sur nos destins. Que ce soit la mixité socio-linguistique des troupes qui remportèrent la bataille de 1302 ou le mythe des ordres militaires donnés – en français seulement paraît-il – en 1914-1918, certaines remises en perspective sont à tout le moins bienvenues. Mais donc, rien de polémique à tous ces propos. 

 Dans la forme, rien à reprocher, comme on peut s’y attendre de la part d’un érudit traitant d’un sujet où la langue est omniprésente, mais non pas seule à expliquer les identifications ni les différenciations  : il y a incontestablement un plaisir à lire cet ouvrage, finalement assez court, où l’auteur de se refuse pas  à parler à la première personne et à évoquer quelques souvenirs personnels :  chose rare jusqu’à un passé récent, du moins dans les livres à portée scientifique et dans les essais. En même temps, Michel De Coster adopte alors un ton assez familier et bonenfant, lequel contraste avec son emploi fréquent de l’imparfait du subjonctif, qui fera sourire les lecteurs et pas uniquement les plus jeunes … On concèdera volontiers cette fidélité aux anciens usages langagiers à ce sociologue doublé inévitablement d’un linguiste et historien de la langue. De plus, en marge d’un plan d’ouvrage très étudié et strict, on notera que l’auteur suit parfois sa pensée qui dès lors vagabonde, tant les allusions à l’histoire ou aux classiques de la pensée lui paraissent s’imposer :mais cela pour notre vif plaisir, que nous ne bouderons pas jusqu’aux pages finales où se synthétisent les chapitres dont nous citerons quelques titres parmi les plus « parlants » : 

Les raisons d’une occultation culturelle (la question identitaire – l’expression politique d’une Wallonie à la française)

Une approche socio-historique (Les Eperons d’or – les gardes françaises – la participation wallonne à l’essor industriel-

Une parenthèse : la Belgique française – La Belgique et la Wallonie : des artifices ?) Défense et illustration de la culture wallonne (Une définition de la culture wallonne – De la culture sociétale à la culture litttéraire – les raisons d’un déficit identitaire).

 Tout cela avec une bibliographie générale appréciable et des références par chapitre circonstanciées : un travail wallon digne de ses traditions de haute qualité, et en moins de 200 pages.

 Pierre Guérande