Michel Francard, Wallon, picard, champenois – Les langues régionales de Wallonie, De Boeck,  216 pp.

 

Deux caractéristiques essentielles de cet ouvrage: tout d’abord, il est très complet, envisage de nombreux aspects du wallon et des domaines adjacents, avec beaucoup de renseignements pratiques. Ensuite, il fait la part belle – très belle, même, –  à tout ce qui est « moderne », spécialement dans le domaine des médias.

Il s’ouvre par un exposé général sur la Wallonie et l’histoire de ses langues régionales. Bien sûr, en si peu de pages, on ne peut demander à l’auteur d’entrer dans beaucoup de détails. Cela n’empêche que son exposé concis, bien illustré, est très précieux pour quelqu’un qui aborde le wallon. Signalons un lapsus au passage: p.17, ce ne sont pas les charbonnages du Borinage qui ont fermé les derniers en 1986, mais celui du Roton à Farciennes près de Charleroi.

Par ailleurs, Michel Francard accorde une grande importance  au rôle des instituteurs dans le « désapprentissage » du wallon: le système de délations, de punitions y a beaucoup contribué, mais les « golden sixties » ont entraîné elles aussi de nombreux effets qui ont été loin d’être tous positifs: la télévision a marqué la fin de nombreux loisirs actifs où le wallon jouait un rôle important la multiplication des voitures a entraîné la désaffection envers les loisirs locaux actifs. Michel Francard fait état de ces facteurs,  dans la 6e partie de son ouvrage, Quel avenir pour les langues régionales de la Wallonie, lorsqu’il parle.de la rupture des relations transgénérationnelles. Le recours au folklore, au côté festif et distrayant du wallon, dont l’auteur parle assez abondamment, est, quant à lui, un excellent instigateur de curiosité envers le wallon, mais, bien évidemment, ce ne peut être un but en soi: on aboutirait ainsi, à la limite, à créer des réserves naturelles pour Wallons pur jus, que visiteraient les touristes, comme ils font des réserves indiennes en Amérique.

L’opinion, qu’il évoque, de ceux qui pensent que le wallon ne continuera à vivre que par sa littérature, me paraît assez juste: si, après la belle floraison des années cinquante et soixante, on s’acheminait vers une littérature de second ordre, axée sur le « lèyîz-m’plorisme » et un folklorisme dénué de réelle signification, ce serait, effectivement, un lamentable recul. Mais la littérature en général, et la littérature française de Belgique, traversent assurément une période de crise sérieuse. Et ce qui me frappe surtout, c’est l’absence de communication entre notre littérature en français, et les remarquables auteurs en wallon quoi ont été les grands artisans de cette renaissance wallonne au 20e siècle: ce sont des mondes pratiquement étanches. Et là, il y a du travail à faire…

Mais, encore une fois, ces remarques n’enlèvent rien à la qualité de l’ouvrage. On y trouvera une foule de renseignements intéressants, si bien qu’il peut servir de vade mecum en bien des domaines pour ceux qui s’intéressent au wallon. On y trouvera notamment des recettes régionales, de Charleroi comme de Liège, un bon aperçu sur les langues régionales dans les médias, sur les langues régionales et les nouvelles technologies, dans l’enseignement, la législation, une bonne bibliographie, la liste des associations qui s’occupent du wallon, celle des membres de la SLLW, le wallon dans les universités, les lauréats des prix des langues régionales endogènes, ceux du Grand Prix du Roi Albert, le texte des décrets. L’achat du livre permet d’autre part, en s’adressant à la maison d’édition, d’avoir accès à des enregistrements vidéos et audios d’auteurs wallons d’hier et d’aujourd’hui ainsi que des chansons wallonnes traditionnelles.

Bien sûr, c’est un sport facile que de rechercher dans une anthologie les oubliés et négligés; chacun y fait jouer ses préférences personnelles. Je regrette néanmoins qu’il ne soit nulle part fait mention des nombreux ouvrages de Jean-Jacques Gaziaux, notamment de ses ouvrages sur l’amour en Wallonie: il est presque impensable aujourd’hui d’aborder ce sujet sans s’y référer, et c’est tout de même un sujet, je pense, qui nous est cher à tous…

Joseph Bodson