Monique Thomassettie, Vogue la Terre ? Vogue le Monde ?, ME.O., 2015, 174 p., 19€.

Monique Thomassettie « compose » au sens premier, – pose avec – son livre : il est  tout à la fois tissé de  poèmes, de fables, de contes, de lettres, d’ anecdotes, de saynètes, de peintures, d’une pièce cosmique… et j’en passe. Dans l’inventive volonté de rendre compte – en un livre, copieux, près de 180 pages – de toutes les ph(r)ases créatives de sa vie ordinaire, elle juxtapose les moments, les lieux, les mêle et confond dates et sens.

Le mythe, la fable, le conte l’éveillent peut-être davantage au graphisme qu’elle explore depuis longtemps, à la peinture qui a pris pouvoir sur elle jusqu’à envahir tous les murs de son appartement, vrai musée des grandes et petites toiles qu’elle a élaborées, exposées, recueillies.

Cet art « du composite volontaire » (c’est ma formule – elle vaut ce qu’elle vaut) rejoint donc l’intense atelier de sa création : il y a là, certes, mise en abyme de son art pictural par l’évocation des maîtres référentiels (comme Ensor), et aussi par le récit d’un peintre proche qu’elle a intimement accompagné dans la douleur.

Monique Thomassettie rejoint là la poésie « totale » dont se réclamait Cocteau : ne disait-il pas que tout est poésie ? Les divers domaines artistiques se fondent et…s’éclairent, sans doute.

J’ai bien aimé, dans ce « programme » très marginal (oser les coexistences esthétiques des formes et des contenus), la récriture des fables, les beaux calligrammes de la première partie du livre (e.a., p.11), l’humour distancié des récits qui sonnent vrai, la méticulosité que l’auteur soigne dans les références bio et bibliographiques de ses écrits, ainsi que le choix de peintures qui « révèlent » (je souligne une fois de plus) un tempérament classique, fervent de la belle ouvrage, que certains trouveront peut-être trop sage ou traditionnel, affaire de jugement plastique et/ou esthétique… A vous de grappiller au fil des pages :

p.9 : Refaire aux mots une virginité

p.23 : Androgyne est le verbe/  qui fait plume de tout bois

Plusieurs sonnets montrent aussi l’intérêt de l’auteur pour des formes classiques – qu’elle maîtrise : pp.24 et suivantes.

p.105 : Si je te dessine un rond, / il est moins géographique/ qu’intérieurement spatial

Quelques toiles  reproduites comme des vignettes très colorées portent la lecture plus loin dans l’imaginaire : l’acrylique de couverture exprime une liberté de couleur et de composition, qui fera taire le reproche de classicisme, que revendiquent hautement les autres œuvres (gouaches, aquarelle, huiles,…) aux beaux titres songeurs « Eclaircie » (1992), « Bouddha » (1985), « Déchirement » (1968), « Mandala imaginaire » (1990), « Procession passée » (1987), « Deux arbres » (1979)

Philippe Leuckx.