Nathalie Nottet, L’Envers des pôles, Weyrich Edition, 2015

Les troubles bipolaires sont des troubles de l’humeur. Les personnes qui en sont affectées oscillent entre l’euphorie et la mélancolie, entre l’exaltation et la dépression. On parle aussi de psychoses maniaco-dépressives.

La narratrice de L’Envers des pôles en est atteinte. En un long monologue d’une centaine de pages, elle se livre, se met à nu sans concession, s’abandonne à tous les excès sous le regard médusé de ses proches ou du personnel psycho-médical en charge de son cas. Mais ni les uns ni les autres ne peuvent guérir ses blessures : L’entourage des dépressifs fait pire que mieux, ce sont des programmateurs d’échecs. Quant à la psychologue, elle a beau être spécialiste, elle se casse les dents à vouloir faire rentrer sa patiente dans la norme. Alors, en désespoir de cause, quand la parole bute sur le silence ou se mue en réquisitoire, il n’y a plus que la chimie pour remède : antidépresseurs quand ça va mal, neuroleptiques quand ça va trop bien, au point de casser la baraque.

La narratrice évoque aussi le comportement de son entourage : sa mère, sa sœur, son mari, ses filles, quelques voisines de chambre à l’hôpital psychiatrique, tous impuissants face à cette maladie ingérable. L’auteur émaille son récit de nombreuses réflexions sur la vie et la société, qui constituent des sujets d’incompréhension pour la narratrice.

Nathalie Nottet traite le sujet avec une réelle maestria. Elle se met si bien dans la peau de son personnage qu’on se demande si elle n’a pas vécu les affres de la bipolarité. Sa plume aiguisée nous tient en haleine du début à la fin : Toujours la même nuit, comme une nuit de transfiguration, comme l’homme qui se mue en loup à la lune ronde, ma bipolarité change, switche la torpeur profonde du silence et de l’angoisse en une libération de toutes les pulsions et tabous, un éclatement de soi noyé dans de l’euphorie, de l’énergie et puis par après, le trou noir où j’enfourne à nouveau ma vie comme dans un piège sans fond.

Le style est tantôt imagé, métaphorique (La dépression est une sorte de praline au cœur de chocolat fondant…), tantôt direct (Je préfère briller en société que de faire luire un évier qui se redégueulasse tout de suite). Le style serait-il aussi bipolaire ?

Nathalie Nottet est née à Namur en 1964. Elle est psycho-criminologue. L’Envers des pôles est son premier roman. Elle nous révèle ici un talent certain.

Jacques Goyens