Pascal Feyaerts, Le Miroir aux Allumettes, Le Coudrier, 2016, 62p., 16€. Belles illustrations de Frédérique Longrée.
Le temps d’un jeu de mot, qui ne soit pas seulement glissement sémantique ou verheggenade facile, le temps de passer d’un mot à l’autre, d’une « alouette » à l’ « allumette » qui l’englobe dans la luette de la poésie, Pascal Feyaerts forge une conception de la gravité, du logos qui puisse dire comment « descendre plus bas que lierre », manière aussi de se déculpabiliser en feignant de jouer pour du faux, comme disent les enfants, et les vrais poètes restent de grands enfants près , tout près de découdre d’avec les sens et l’essence de leur art :
Du désir seul demeure
à présent l’ombre cutanée
subtil miroir aux allumettes
nous obligeant à fondre
comme neige au feu et
à nous coudre du gel
de nos absences (p.30)
Le poète ne s’épargne guère dans cette quête grave d’un amour qui « se refusait » ; il a beau « crier », il peut toujours « offrir une fleur sans parfum/ à ma trop longue nuit » ; il « cherche un paradis où déposer/ nos morts les petites comme les grandes »…
Mon pays est une langue étrangère
peuplée d’inaudibles ressacs
trop blancs pour être
tout à fait honnêtes (p.21)
Voilà un poète belge qui maîtrise sa forme, et c’est en grande forme, vraiment, qu’il n’élude rien, et énonce :
J’aime les lits défaits des visages
on dirait qu’un rêve les a mâchés
tout entiers sans en broyer la prose
ni en boire l’indécente liqueur (p.44)
Disciple de Chavée ? Je le crois, et le compliment n’est pas une simple figure de style.
Ph Leuckx