Pascale HoyoisLa Chênaie à Jacinthes,  Egmont et Hornes,  l’allégeance bafouée,  Parler d’Etre, 2012

 

 

Dernier tome de la trilogie romanesque consacrée à l’histoire du XVIème siècle en Belgique, l’ouvrage est en grande partie centré sur les événements tragiques qui ont conduit, en 1568, à l’exécution des comtes d’Egmont et de Hornes, sur la Grand-Place de Bruxelles. Le contexte est bien connu : le terrible duc d’Albe, envoyé par Philippe II, le roi d’Espagne, a institué le Conseil des Troubles, qui entrera dans l’histoire sous le nom de « Tribunal de sang », pour juger les rebelles à l’autorité espagnole et surtout les hérétiques.  Les condamnations vont pleuvoir, y compris celle de loyaux serviteurs de la couronne, qui auront tout tenté pour faire office de conciliateurs entre l’intransigeance de l’occupant catholique et les revendications légitimes de liberté de conscience et de religion exprimées par ceux de nos concitoyens convertis au protestantisme. Ces événements dramatiques et sanglants vont être racontés, jour après jour, par un témoin direct : la petite Pierrine-la-Sage, élevée près de Hal, dans cettefameuse chênaie couverte, au printemps, d’adorables fleurs mauves. Elle va grandir parmi les siens,  une communauté de hors-la-loi luthériens, nourris d’idées nouvelles, apprendre d’eux la religion  des contestataires, la philosophie moderne et humaniste d’Erasme, la médecine naturelle des plantes, le maniement des armes et tout ce qu’il faut savoir de la politique et de la situation conflictuelle des Pays-Bas, dirigés d’une main de fer par les Habsbourg.

On va suivre la jeune fille qui, grâce à ses multiples talents de guérisseuse, va se faire engager par le comte Lamoral d’Egmont, un des hommes les plus admirés du pays, élevé en Espagne et fidèle sujet du roi. Le comte, frappé par l’habileté et l’intelligence de l’adolescente, va lui proposer, à la condition qu’elle accepte de se déguiser en page masculin, de se mettre davantage encore à son service en espionnant tout ce qui se trame autour de lui. C’est grâce à ce stratagème que Pierrine va devenir véritablement la narratrice du roman et nous livrer par le détail toutes les intrigues, trahisons et autres fourberies qui vont amener le roi à condamner injustement et si cruellement deux de ses meilleurs serviteurs. Pierrine, devenue Pierret-le-Moucheron,  découvre ainsi le monde de la noblesse bruxelloise, se dévoue de toute son âme à la famille du comte, s’affaire sans compter pour soigner et s’informer, apprend à connaître le cœur des hommes et les pièges de l’amour. Devant cacher sa féminité et mener une double vie, sa position est plus qu’inconfortable mais sa lucidité lui permettra d’éviter les situations les plus périlleuses, y compris face aux redoutables séducteurs espagnols.

La jeune informatrice sera ainsi la nôtre, notre guide dans cette Belgique vivant au rythme de la rébellion et de la guerre. Par elle l’auteur nous apprend énormément de choses sur la vie quotidienne de l’époque : la vie des Gueux, ceux qui se sont dressés, le long des côtes, dans les boiset les campagnes, contre l’occupant ; le mouvement iconoclaste, qui va précipiter la réaction démesurée et criminelle du roi ; la médecine et la chirurgie militaires, influencées par Vésale et Paré, que l’on tentait de pratiquer quelque peu sur les champs de bataille… Pascale Hoyois nous offre un bel aperçu de son travail de recherches et de la passion qu’elle éprouve pour cette période si tumultueuse de notre histoire, qu’elle compare d’ailleurs, judicieusement, en fin de volume, à la nôtre…

Pierrine sera donc le témoin direct de l’exécution de son maître sur l’échafaud, elle se retirera, désespérée, à la Chênaie, puis s’engagera à son tour dans les rangs des Gueux, poursuivra sa vocation magnifique de médecin de terrain et trouvera enfin un baume à sa souffrance : l’élu de son cœur, depuis leur tendre enfance, la prendra pour épouse.

Le livre s’achève par la séparation des sept provinces calvinistes  au nord et des dix provinces catholiques et royalistes au sud. Mais une autre aventure va commencer ailleurs, au Canada, où les enfants de Pierrine, devenus à leur tour formés aux armes de défense, à la bonne gouvernance  et à la vie communautaire,  vont rêver d’un  nouveau monde, plus juste et plus tolérant.

 

 

 

  Michel Ducobu