Pascale Lora Schyns, Arapizandú, Las Misiones Jesuiticas en Paraguay/ Les missions Jésuites au Paraguay, Arapizandu 2016@gmail.com. Foto Sintesis, Asunción, Paraguay.

Un livre – un recueil – digne d’éloges en tout point: non seulement les poèmes, mais les photos de Pascale, et la mise en pages et le graphisme de son frère Enzo Schyns. Et le tout est d’une harmonie remarquable.

Recueil un peu hors normes, puisqu’il relate, sous forme de poèmes, une visite à ce qu’il reste des domaines des Jésuites au Paraguay. Il faut rappeler que les Jésuites s’y étaient installés, avaient formé des villages pour protéger les Indiens Guarani contre les raids des bandits qui les réduisaient en esclavage – les bandeirantes. Cet état théocratique devait durer jusqu’au moment où les Jésuites furent expulsés d’Espagne, et par conséquent, d’Amérique du Sud, en 1768.

Les ruines de leurs établissements – les fameuses Réductions – sont ici évoquées de façon non pas documentaire, ou historique, mais pour l’esprit qui continue à planer sur eux; le voisinage d’une colonnade, d’une statue avec ces plaines, ces forêts largement ouvertes. Et Pascale Lora Schyns a su faire de ces évocations un tout extrêmement parlant, à y faire pénétrer le lecteur comme dans quelque chose de réel, d’intensément vivant. L’emploi du présent au lieu du passé y est bine pour quelque chose:

Rêvant du haut des remparts/Là, dans la plaine infinie,/courte, rompue//Tas de pierres/Anciennes demeures//Le Peuple danse/Le Peuple est mort//Âmes égarées/Cherchent les Pères/Exilés chez eux/Sur cette terre d’Espagne/Qui n’était plus la leur//Âmes tourmentées/Perdue leur forêt!/Elles cherchent Dieu/Envolé.

Desde lo alto de las murallas/Un sueño/En la planicie infinita/breve, cortada//Piedras amontonadas/Antiguas moradas//Baila el Pueblo//Almas extraviadas/Buscan los Padres/Exilados en su propria tierra/España  ajena//Almas atormentadas/¡Desapareció la selva!/Buscan su Dios/Desvanecido.

Une poésie à la fois ténue et frêle, sans un mot de trop, sans une fausse note, aussi bien en français qu’en espagnol. Une poésie à la fois lucide et ample, dont le souffle va, comme le vent, de poème en poème. Un présent inactuel – à la fois des verbes et du verbe – qui rassemble en son poing serré à la fois le passé et le présent – qui est en même temps message d’amour et de confiance en l’avenir.

Une poésie arrivée à sa pleine maturité.

Joseph Bodson