Philippe MARCHANDISE, Le jour de l’amélanchier, Editions Mols, 2013, 264 pp.

Disons-le d’emblée, ce premier roman de Philippe MARCHANDISE est une réussite.

Dans une langue classique et raffinée, qui tourne résolument le dos à certaines tendances actuelles, l’auteur, juriste d’entreprise et auteur de nombreux articles scientifiques en matière juridique, s’est lancé avec bonheur dans l’écriture d’un roman littéraire.

C’est un roman qui se lit agréablement et, même d’une traite, tant le lecteur est pris par le scénario captivant.

Pourtant le sujet est grave : une opération brutale, lourde et risquée qui surprend une alerte quinquagénaire en pleine force de l’âge. C’est une opération cardiaque qui touche à l’organe vital qu’est le cœur, à cette pompe qui nous maintient en vie, au sang qui bat et coule dans nos veines.

Le lecteur n’échappera pas aux dédales des hôpitaux, aux soins intensifs, ni aux descriptions qui relèvent de la médecine mais surtout il sera plongé dans l’univers réconfortant de la convalescence, ce moment merveilleux, ces semaines où le patient va chaque jour un peu mieux (au contraire de la vie courante et du vieillissement), ces jours bénis entre tous où le patient renaît à la vie, bref la vie à l’envers.

« La convalescence, c’est défier le temps, plus charlatan que médecin, c’est dépasser le temps image mobile d’une éternité immobile (Platon), c’est le temps arrêté, c’est même la preuve de l’inexistence du temps. », écrit Philippe MARCHANDISE.

Sans nul doute, les thèmes sont sérieux (la peur de la mort, les souvenirs de la mère du héros qui n’a pas survécu à une opération similaire, l’arrêt brutal de toute activité, la souffrance, la solitude face à l’épreuve, l’immobilisme forcé), mais l’approche est souriante et poétique, comme printanière. L’auteur manie aussi avec brio l’humour, cette arme incontournable pour traverser les couloirs et les chambres des cliniques.

Les évocations de la maman du héros, une personne pour laquelle le narrateur voue une dévotion toute particulière, sont admirables et émouvantes. Avec une plume fine et sobre, Philippe MARCHANDISE nous fait comprendre d’évidence pourquoi cette femme fut remarquable. Sans pathos ni affection, mais avec les yeux d’un fils aimant.

L’auteur, qui s’interroge aussi sur la place de la souffrance dans le couple (lequel des deux souffre le plus ? le malade ou le conjoint ?) va trouver dans l’autre, dans les autres, dans la nature qui se réveille au printemps, dans le fleurissement d’un arbre, l’amélanchier, et surtout dans la musique , celle du divin Bach, des ressources jusque-là ignorées.

La plupart d’entre nous déclarent aimer Bach et beaucoup affirment que c’est leur compositeur préféré. Le livre de Philippe MARCHANDISE nous explique pourquoi. Il est impossible pour Philippe MARCHANDISE d’écouter Bach comme musique de fond en faisant autre chose, tant  cette musique est prenante. Le Sanctus de la Messe en si mineur BWV 232 fera lever le convalescent de sa chaise-longue. La force du Cantor de Saint-Thomas réside notamment dans la puissante alliance des notes et des mots, des portées musicales et des textes sacrés, bref un mariage heureux et parfait. « Pareille musique ne peut mentir. Elle donne raison à Leibnitz qui tenait la musique pour l’algèbre de Dieu. », écrit encore l’auteur.

Il nous reste à espérer que Philippe MARCHANDISE ne s’arrêtera pas en si bon chemin et nous gratifiera d’un nouvel ouvrage dans un avenir proche.

Eveline LEGRAND