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Qui mieux qu’un artiste peut oser rêver sur les sentiers de la vie et de la nature ? Pierre Chariot est de ceux-là. Prêt à relever le défi de la technique, il s’immisce dans les eaux de la terre et du ciel, pour donner à la roche et à la terre force et lumière. L’avez-vous déjà rencontré, cet homme déterminé, fier et souriant ?

Si ce n’est pas encore le cas, cherchez à le découvrir en ses œuvres. J’étais à l’enfance, presque à l’adolescence, quand, pour la première fois, je l’ai vu travailler la couleur à l’eau. Le hasard avait voulu qu’une amie de ma mère, Léona Gillet, aquarelliste aussi, me le présente. C’était à la Maison du Luxembourg, à Bruxelles, où officiait alors Grégoire Orban de Xivry. Que de rencontres en cette Maison… Notamment avec Georges Bouillon, pour n’en citer qu’une, marquante entre toutes !

La musique, les expositions, les banquets amicaux et autres réceptions faisaient, à l’époque, partie du savoir-vivre des hôtes de ce lieu. J’y découvris la Gaume, Virton, Chassepierre… et qui chasse une pierre en trouve une autre. Pierre Chariot fut de ces pierres sur lesquelles on écrit un jour.
Il m’invita, en 1963, si je me souviens bien, à son atelier et me montra ce qui, d’après lui, représentait la grandeur et la richesse de l’aquarelle, cette technique où l’eau trempe le papier de noir d’encre et de vibrations colorées. Il choisit une feuille de papier, la mouilla d’eau et son pinceau virevolta rapidement de la couleur au tracé net et sans remords : un paysage de sa Gaume bien-aimée apparut aussitôt. Tout y était fulgurant, vif et précis. Sur le papier naissaient ainsi, en peu de gestes, chemins et chaumières, rochers, arbres et rivières… À le voir ainsi placer, avec justesse, chaque élément dans la seconde même où tout aurait pu basculer dans le flou le plus complet, je compris que sa virtuosité dépassait tout entendement. À ma  question : «  Cela semble si facile ? », il me répondit « Pour ce geste rapide et précis d’aujourd’hui, il m’a fallu bien des années d’apprentissage et d’échecs ».

Tout était dit. Il avait, tel un calligraphe chinois, apprivoisé son propre corps et donné, par la main menant délicatement le pinceau sur du papier, un signe juste du sens profond de la vie.
                                                                                                                                                    Mireille Dabée

 

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Pluie sur les monts de Wicklow, col.privée

Quand s'use la haute marée...



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Sous les nuées, Irlande 1999

 

 

 

Nous remercions Véronique Flabat-Piot de nous autoriser à publier ci-dessous certaines citations tirées de son livre « Pierre Chariot, aquarelliste ».

 

Pierre Chariot par ceux qui l’ont connu…

Atelier du peintre

 

Aquarelliste consommé, Pierre Chariot témoigne n’ignorer rien des pouvoirs d’une fière et exigeante technique, exclusive de tout « repentir » et prometteuse, par là même aussi, de hautes félicités. Quel œil ne serait sensible à cette subtile intercession de l’eau, entre le proposé des couleurs et la disponibilité du papier vierge ? Une Idée, fille d’on ne sait quel lumineux Ailleurs, y transfigure à tout coup nuages, feuillages, terrains, ces troncs solennels, ces fins lointains. État de grâce universel. Dans les meilleurs cas, bien autre chose que les grâces demoiselles censées suffire, pour trop d’esprits encore, au procédé !
Nos antiques Ardennes auront connu, grâce au poétique pinceau de Pierre Chariot, une nuance de glorification neuve. Les succès répétés, d’ores et déjà décisifs, de notre Luxembourgeois gaumais, constituent mieux qu’un encouragement. Ils signifient un public averti des vraies valeurs, subsistantes et conquérantes, de l’heure. J’aime à y voir, en outre, quelque chose qui intéresse l’âme et le cœur : une gratitude à l’endroit d’un artiste en plein épanouissement, en pleine force; à l’endroit, aussi, d’une probe et spirituelle technique ; à l’endroit d’une région, enfin, qui est l’orgueil du pays entier, incomparable réserve, pour tous, d’inspiration saine et de grandeur, de rêverie et de beauté.

Arsène Soreil
Professeur émérite d’Esthétique à l’Université de Liège

 

Pierre Chariot, aquarelliste

Pierre Chariot est né à Saint-Mard le 6 mai 1929. Originaire de Hampteau, localité du nord de l’Ardenne, son père était instituteur et enseignait à l’Athénée royal de Virton. Au cours d’un voyage à Bruges, il rencontra une flamande du nom de Jeanne Leclercq. Il l’épousa et en eut trois enfants.
Pierre Chariot était encore écolier quand se manifesta sa vocation de peintre. Il bénéficia de l’enseignement combien fécond de Jean Lejour et de Jules Vinet. Son milieu familial favorisa l’épanouissement de sa créativité. Il fréquenta les cours de l’Institut Provincial du Brabant. Le dessin l’attirait. Il y excella dès ses débuts grâce à une étonnante virtuosité du trait. Sous sa plume à la fois fidèle et inspirée, naquirent maints arbres.
C’est une sorte d’instinct qui le conduisit à l’aquarelle, art difficile s’il en fut et qui laisse peu de temps pour tirer parti de la feuille de papier mouillée. Comme l’a fait remarquer André Martin, les œuvres de Pierre Chariot sont toujours reconnaissables. Elles l’étaient dès ses premières expositions et elles le sont devenues davantage au fil des années. Elles se caractérisent par de vastes ciels qui sont le reflet de l’état d’âme du peintre. Les arbres apportent leur jubilation non dépourvue de gravité.
Parmi eux, les bouleaux tiennent une place importante. Ils font penser à des adolescents.
L’Ardenne et la Gaume ont toujours tenté son pinceau. Mais il a su aussi donner à son goût de l’émerveillement d’autres aliments. Utilisant des couleurs de plus en plus vivantes, il a ramené d’admirables aquarelles du Midi de la France, de même que d’Irlande dont il s’est épris.
Ce virtuose est un pédagogue-né : il a enseigné son art à maints élèves. Ses expositions attirent un nombreux public. Il aime les paysages dont il capte le reflet et il le fait aimer.

Jean Mergeai
Président de l’Académie luxembourgeoise

 

Pierre Chariot, « Écouter le silence et créer la beauté » !

Peintre paysagiste, poète, aquarelliste, lié tant à la Gaume qu’à l’Irlande, Pierre Chariot reste fidèle à lui-même et à trois éléments constitutifs de son œuvre : l’eau, l’air et la lumière. Son épanouissement s’affirme et devient une force qui s’impose parallèlement à sa technique fine, subtile, spirituelle. Il dépasse le superficiel, le quotidien, le passager pour atteindre le profond, le durable et peut-être l’éternel.
Nous assistons à une récréation poétique marquée par sa mémoire visuelle et sa sensibilité. Les aquarelles qui nous entourent l’expriment. Elles disent aussi la Gaume, l’Ardenne ou l’Irlande. Elles disent des moments privilégiés. Elles disent tout dans une paix un peu sauvage et dans le silence. Profondément, elles disent aussi le silence. Et du silence naît la beauté.

Voir l’invisible
« L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » (Paul Klee). Ainsi Pierre Chariot voit-il ce que les autres ne voient pas. Écouter le silence, créer la beauté, voir l’invisible.

Michèle Lenoble-Pinson
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles)
Membre de l’Académie luxembourgeoise
* Extraits du discours prononcé par Michèle Lenoble-Pinson

au vernissage de l’exposition de Pierre Chariot à la Galerie d’Art « Pré-aux-Sources », à Bruxelles, le 19 mai 1999.

 

Pierre Chariot   Forêts et rivières de Pierre Chariot – Un monde de grand air et de paix

 

L’aquarelliste Pierre Chariot s’est beaucoup montré depuis l’année 1966 où, à la Galerie l’Escalier, on put découvrir en lui un artiste ayant mitonné dans le secret, la préparation d’une œuvre qui fit d’emblée l’unanimité sur sa distinction et sa perfection technique. Né à Virton (Saint-Mard) en 1929, Gaumais fidèle à ses racines, Pierre Chariot, installé depuis des années à Vilvorde, est actuellement professeur à l’École européenne de Bruxelles. Il a réuni ses œuvres récentes à la Banque Bruxelles Lambert, face à l’exposition Félicien Rops, à la place Royale.
Dans le trouble actuel de la peinture, au milieu des dérobades de la critique qui hésite à parler en bien de ce qui est le contraire de ce qu’elle loue volontiers, il faut avoir le courage de dire de Pierre Chariot ce qu’en disent les collectionneurs au cœur sans complications et les visiteurs sans préjugés. Les grandes étendues de la Fagne, où les herbes tremblent, où les buissons frémissent, où le vent arrache ses dernières feuilles à l’arbre solitaire ; les paysages de forêts et de rivières, où se meurent quelques restes de neige ; les évasions en Camargue et parfois même au Costa Rica avec des ciels teintés de soufre, la lumière déclinante sur les pentes du Monteverde, toutes choses qui nous révèlent un scrupuleux observateur de la nature et de ses spectacles paisibles ou inquiétants, en même temps qu’un calligraphe minutieux et inspiré d’une réalité silencieuse et secrète, capable de réveiller chez le visiteur des émotions qui appartiennent à la mémoire collective de l’humanité.
Les aquarellistes sont par la nature même de leur technique des créateurs discrets. Ils n’ont pas la démarche bruyante ni la prétention des révolutionnaires de l’art.
On est souvent injuste à l’égard de leur labeur sensible et plein de réserve. On se réjouira donc de l’initiative du Lions Club de Vilvorde, qui met à l’honneur un des meilleurs représentants d’un art qui parle à mi-voix et trouve sans peine le chemin de notre cœur. Pierre Chariot ne s’attendait pas, au début de sa carrière, à un accueil aussi chaleureux que celui qui lui fut fait.
Arrivé aux cimaises sur la pointe des pieds, presque en s’excusant, il a très rapidement connu le succès. Celui-ci ne dément point. Le langage du peintre est net et pur ; son monde de grand air et de paix atteint le spectateur au meilleur de lui-même ; là où sommeille cette petite part de poésie un peu conventionnelle qui est le souvenir même de l’enfance. Voilà donc un art aux séductions simples et bienfaisantes qui, pour être « bien élevées », n’en sont pas moins solides et dignes de respect.

 

Stéphane Rey*
*Alias Thomas Owen, membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature de Belgique.
Article paru dans le journal « La Libre Belgique » le 3 mai 1985.

Article du Midi libre (France)

Poème de Francis Vaillant