Pierre Coran –LA VALLEE DES DORYPHORES-  été  44, souvenirs d’un ado – éd. Je réussis / romans -134 pages – 9,90 €

Le livre a été écrit à l’intention de la jeunesse, encouragé par le Ministère de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais il peut intéresser les adultes aussi en ravivant l’ambiance de cette fin de guerre, la déroute amorcée des Allemands, leurs dernières actions, les activités de la Résistance, les premières bombes alliées, les difficultés quotidiennes pour la population au milieu de ces violences.

Plutôt que d’un roman, on pourrait parler de tranches de vie et même de bribes, d’éclats, de souvenirs, que nous livre le jeune Gil, de manière un peu décousue, très vivante, dans une sorte de carnet où il note les événements et ses impressions. C’est la guerre vécue au niveau d’un enfant/adolescent – l’âge a-t-il vraiment de l’importance ? – qui se voit amené à apporter de l’aide à la Résistance. On se méfie moins des jeunes, ils donnent une caution familiale à des activistes en action, ils peuvent eux-mêmes rendre pas mal de services. Et voilà le danger, la mort un peu partout, la débrouille, le piment de l’aventure mais pas l’aventure gratuite, l’aventure utile, ô combien, à la défense du pays. Gil apporte sa petite pierre, suivant l’exemple de son père, mort mais encore utile grâce aux documents cachés dans la mine, en accord avec sa mère, qui est fière de lui. Il joue (?) au grand et apprend les douleurs, les plaisirs, les émois, les responsabilités, acquérant la maturité précoce des jeunes confrontés au pire. L’horreur et le dérisoire de la guerre, où le prix de la vie n’est plus l’étalon de base, où l’on meurt pour un oui pour un non. A côté de la mort, en contrepied, se dessine en filigrane une ébauche d’amour, en la personne de Nele, une fille de batelier rencontrée au cours d’un bombardement. La vie, l’espoir, l’avenir qui renaît… Tout  n’est pas perdu.

En fin de volume, nous trouvons des « notes de l’auteur pour les (plus)jeunes lecteurs », à propos de la Seconde Guerre mondiale, très succinctes mais suffisantes, ainsi qu’un lexique des mots présentés dans le texte accompagnés d’un astérisque, tels l’exode, le maquisard, le couvre-feu… nécessitant une explication. Le mot Doryphores, par exemple, associé aux autres noms donnés aux Allemands à cette époque, Boches, Fritz, Chleuhs, et le pourquoi de ces noms… qui  ne sont plus de mise actuellement. Voilà sans doute pourquoi l’éditeur – l’auteur ? – a contourné le problème en mettant le titre en majuscules imprimées. Chacun choisit de voir l’insecte ou le soldat, selon son âge, son degré de souffrance ou de pardon. Il y a septante ans, quand même…

Isabelle Fable