Pierre Guelff – Quand l’alcool et la drogue tuent – éd. Jourdan PIXL – 198 pages – 7,90 €

Journaliste et chroniqueur judiciaire, Pierre Guelff nous livre ici un échantillon des procès d’assises qu’il a couverts. Le point commun de ces différents procès est l’addiction des accusés à ces fléaux que sont la drogue et l’alcool. Ces paradis artificiels, summum d’illusion, qui ne mènent qu’à l’enfer de la dépendance, de la violence, de la délinquance, allant parfois jusqu’au crime de sang, accidentel ou délibéré.

Ce sont des maîtres sournois, qui peuvent mener le consommateur à l’esclavage, comme sur un toboggan. On commence par un verre ou deux, c’est convivial, c’est festif, c’est sympa… ça fait tomber les inhibitions, on se sent bien. La drogue, c’est un peu différent. Elle est en principe interdite, illégale, mais la loi tend à s’assouplir pour le haschich. Un petit joint, ça ne va pas loin. On oublie que tous les toxicomanes passent par un petit joint pour commencer et que le haschich n’est pas si anodin qu’on veut bien le dire. Mais on accepte bien le tabac… Et on fait semblant d’oublier les dégâts du tabac… tout en promulguant, pour la bonne conscience, des lois anti-tabac et en multipliant les avertissements sur les paquets de cigarettes, pour dissuader le consommateur. Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’Etat s’y retrouve : la consommation ne diminue guère, la relève est assurée, le prix du tabac augmente, les taxes rentrent toujours bien. Sans compter les contraventions pour non-respect des règles. Idem pour l’alcool, royalement taxé et royalement consommé à toute occasion et même sans occasion ! C’est dans les mœurs, il suffit de ne pas exagérer, de « consommer avec modération » nous rappelle-t-on sur tous les tons.

Il est vrai qu’il est rare qu’un fumeur soit en manque au point d’attaquer et de tuer pour une « clope ». L’alcool et la drogue, par contre, sont au cœur de ces procès d’assises. Leur consommation fait perdre le contrôle de soi, mène à des comportements asociaux et violents, dont tout le monde connaît les tristes résultats : ils font le quotidien de faits divers sordides et sont responsables dans bien des procès. Par contre, il est spécifié que le fait d’être « sous influence » d’alcool ou de drogue n’est pas une circonstance atténuante, au contraire, car la consommation a été volontaire.

Pierre Guelff nous présente ici une quinzaine de procès tristement semblables, qui se font écho, où il s’agit de comprendre, de démêler le vrai du faux et où il appartient à un jury populaire de décider de la culpabilité et du sort des accusés.

Or l’addiction est un sujet difficile à appréhender car nous voyons des hommes qui, suite à des circonstances de vie difficiles, chroniques ou ponctuelles, tombent dans ces pièges et en arrivent à des extrémités parfois monstrueuses. Les experts et les avocats s’affrontent. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure les accusés sont responsables et dangereux, dans quelle mesure la société doit se protéger. Mais on peut se poser la question aussi de savoir dans quelle mesure la société a permis l’émergence de ces délinquants, dans quelle mesure on pourrait parler de cercle vicieux (enfance malheureuse, brutalisée, exposition à l’alcool ou à la drogue, etc.). Enfermer les coupables peut-il vraiment les rendre meilleurs ?

Pierre Guelff termine par une annexe intitulée « Justice, mesures éducatives, angélisme et trafiquants », où une juge de la Jeunesse propose de redonner aux jeunes délinquants « une position stable », une « meilleure estime d’eux-mêmes », de leur faire effectuer « des prestations d’intérêt général ». Qu’ils les prennent pour des « punitions » ou non, cela donne généralement des résultats positifs, puisqu’ils effectuent, même contraints et forcés, des actions positives, qui peuvent leur donner une meilleure image d’eux-mêmes. En cas d’échec, les jeunes délinquants seront renvoyés vers la justice des majeurs.

Hélas, il y a tellement d’argent à la clé de toutes ces substances nocives, argent taxé légalement (par les producteurs, les distributeurs ou par l’Etat) ou illégalement (par des trafiquants ou des dealers) et les trafiquants ont une telle imagination pour déjouer la surveillance des douaniers… que le problème n’est pas près d’être résolu.

Isabelle Fable