Dans le monde des scalpels et des malades inquiets
Pierre-Jean Foulon, Voyage au pays du néant provisoire, Thuin, Spantole, 2015, 36 p.

 

Qui n’a pas eu l’occasion, au moins une fois dans son existence, de fréquenter un hôpital en tant que patient ? Personne sans doute. Pierre-Jean Foulon nous rappelle cette expérience en partageant la sienne alors qu’il avait des problèmes cardiaques.
Chacun se reconnaîtra dans l’un ou l’autre de ses poèmes écrits grâce à un « carnet / composé de simples feuilles / demi A4 / blanc comme la robe des savants / qui me tâtent et me palpent ». C’est l’entrée dans un univers technologique (cadrans, écrans, manettes, leds, pixels, colonnades de plastique, code barres, « machine dévoreuse d’ions », aimants) qui prolonge autrement celui de la ville (avions, voitures, moteurs, radars, antennes, paraboles).

C’est un « pays de nombres et de logos / où l’être même soigné / demeure un tas de chair et d’os / souvent oublié / derrière la beauté des maladies / et la grade étrangeté des souffrances ». Le temps s’y compte différemment. Il est fait d’attente, enrobé de solitude, de questionnement empli de doutes voire de peur « dans l’ignorance du futur ».

Les êtres rencontrés sont en blanc ou en vert, étranges et mystérieux. Les voix sont « d’ange gardien » ou de dictée d’une marche à suivre. Ce peut être aussi quelqu’un qui, d’« une voix voulue intime / m’adresse ses encouragements / de bénévole travaillant / pour oublier sa soif d’autre chose ».

La langue est simple, presque ordinaire. Elle ne dramatise pas. Elle constate. Elle n’oublie pas la culture puisqu’elle a écouté Beethoven dans un casque, regretté la duplicité des reproductions impressionnistes qui garnissent les couloirs, découvert la ressemblance d’endroits avec des œuvres d’art contemporain. Les mots témoignent également du désir susceptible de naitre d’un attouchement, d’un corps féminin imaginé sous l’apparence.

Ainsi évoluons-nous de l’arrivée à l’espoir du réveil, en passant par la chambre, le spiromètre, la résonance magnétique, la visite des proches. Pourtant, il reste quelque humour dans la description d’un urinal, « outre fontaine / au capuchon d’hostie / et à la forme de tromblon » ou du bracelet d’identité menottant un poignet. Et nous savons, car nous lisons le livre, que Pierre-Jean Foulon est bien revenu du « pays du néant provisoire ».

Michel Voiturier