Pierre-Jean Foulon, Voyage au pays du néant provisoire, poèmes, éditions du Spantole, 2015

Un recueil qui est tout à l’image de son titre: la discrétion, la métaphore, la recherche d’un sens.

Il est rare qu’un poète prenne comme sujet un séjour à l’hôpital. Pierre-Jean Foulon s’y est risqué, et il a réussi à trouver le ton juste, qui est celui – proche en tout cas – de l’Insoutenable légèreté de l’être. Nous voilà livrés, pieds et poings liés, à des circonstances, à des lieux, qu’il ne nous est pas possible de modifier, sur lesquels nous n’avons que peu de prise. La seule, en fait, qui nous est laissée: le regard, un regard aigu, auquel rien n’échappe. Un regard qui suppose un préalable, l’oubli de soi, une sorte de tabula rasa. Et l’œil alors, et les autres sens, se font, en quelque sorte, scalpel. Des perceptions plus aigües qu’à l’ordinaire, une sorte d’urgence dans le détachement.

(et s’il m’est permis ici d’évoquer un souvenir personnel, je me souviens d’une visite à Roger, à l’hôpital, peu avant sa mort, qui m’avait laissé la même impression: lucidité, détachement. Bien sûr, bien d’autres points les séparent, mais il me semble qu’ils ont celui-là en commun).

Il en résulte des descriptions d’objets, de détails du paysage, qui revêtent une force et une forme singulières. Les métaphores, ici, ne sont pas d’ornement, mais de nécessité, et d’urgence. Le mince témoignage, la trace qu’il nous est permis de laisser, ainsi dans Bracelet:

Pendant que j’écris/je lis/sur le bracelet de papier/bijou fragile entourant mon poignet/Foulon Pierre-Jean Roger/U64 683A/Et cela/à côté d’un code-barres/du chiffre de ma naissance/d’un sigle au nom/du saint patron/des peintres et je me dis/que le nom de mon père et le mien réunis/sont les seules traces vivantes/en ce pays de nombres et logos/ou l’être même soigné/demeure un tas de chair et d’os/souvent oublié/derrière la beauté des maladies/et la grande étrangeté des souffrances

Tout ici et maintenant est poésie. Léger, insoutenable, mais être.

La présentation même de l’ouvrage, au format allongé, en Antique corps 11, est en soi une belle réussite.

Joseph Bodson