Robert Reumont, De pages en plages, Toulouse, Mélibée, 2017, 434 p.

Un policier gastronome et œnophile
Le roman de Reumont, écrivain carolorégien, est un policier. Ce n’est pas très exactement haletant comme le polar à l’américaine nous a habitués, car il ne s’y passe pas grand chose durant l’enquête à propos de la disparition d’une jeune institutrice. L’histoire est plutôt poussive, au point même de retrouver en copié-collé le premier paragraphe du chapitre 84 au début du 86… Ce n’est pas pour rien, probablement, que le héros se prénomme Placide.

Quoi qu’il en soit, l’intérêt du livre est sans doute ailleurs. Avec un flic féru de Rabelais au point de le citer à tout propos, alléché par les recettes et les vins régionaux, curieux de terroir, l’histoire devient le prétexte de digressions d’œnophile, d’allusions très précises à propos de gastronomie, de description de lieux de découvertes et de villégiature.

La rivalité latente entre deux conceptions d’enquête, la présence d’un ‘méchant’ arriviste qui profite de la politique pour progresser dans ses ambitions, des esquisses érotiques éparses ne sont ici que des ingrédients destinés à pimenter quelque peu le manque de rebondissements. L’aspect touristique de l’écriture de Reumont s’efforce d’emmener le lecteur à travers une région française. Le périple des personnages embarque pour la Bretagne, vers Saint-Philibert et La-Trinité-sur-Mer, à la pointe de Len-er-Beleg ou celle de Kerbihan, Port-Crouesty, Locmariaquer, Port-Navalo, l’île de Gavrinisou, celle de Mousker, le phare de Pelan, les menhirs de Carnac…

reumontLe roman débute avec un inventaire de spécialités belges (« lapin à la gueuze, côtes de porcs à l’ardennaise, croquettes de crevettes grises, anguille au vert, tarte au riz ou à la cassonade, gaufres, pralines et trappistes ») et il se clôt sur « un homard très légèrement gratiné au beurre demi-sel breton ». Et il est pas mal question, entre-temps, du réputé gâteau kouing amann tandis que des recettes diverses ponctuent le récit.

Côté boisson, la carte comprend du Menetou-salon, Muscadet Domaine Bonnet-Huteau, Château Petrus, Graves du Château de la Brède, crus des sœurs Faller, Côtcerto de Nicolas Paget, Mercurey du Domaine du Meix-Foulot, Cour-cheverny de chez Laura Semeria, Montlouis, Tressailler de Ste-Agathe, Saumur blanc du Château de Fosse-Sèche, Muzillac, Riesling Domaine Weinbach, Champagne cuvée ‘Charme’ de chez Paul-Etienne Saint-Germain, Sancerre de Thomas. A votre santé, lecteurs !

Le commandant Boistôt a beau déclarer « Je vous trouve pathétique de naviguer ainsi de cliché en cliché », l’auteur, lui, n’y échappe pas, notamment dans l’emploi de certains adjectifs qualificatifs et dans l’utilisation récurrente des fameux auxiliaires d’infinitif qui abondent dans les écritures d’aujourd’hui.

Reste que Reumont assaisonne son roman de remarques sur les « radicaux islamistes », les dérives xénophobes et homophones des réseaux sociaux, les « dangers d’addictions aux nouvelles technologies », certaines positions antiféministes d’Agatha Christie. Ce qui, en plus des citations littéraires puisées chez Rabelais et quelques autres, donne une saveur particulière à ce fait divers raconté avec une évidente volonté de donner raison au féminisme, même si la relation intime de l’enquêteur vacancier avec sa partenaire Wyvine frise parfois un certain machisme voyeur.

Michel Voiturier