S’ Enfuir,  un film de Joachim Thôme,  Productions du Verger,  2014.

Le Centre Culturel Régional de Dinant a présenté, le 24 avril dernier, le documentaire réalisé par le cinéaste belge, Joachim Thôme, consacré au musicien originaire de la cité mosane, Albert Huybrechts. Une révélation qui a soulevé l’enthousiasme du public venu très nombreux découvrir ou redécouvrir la musique de ce remarquable compositeur, plus ou moins ignoré chez nous. A peine une rue dinantaise porte-t-elle son nom mais qui encore aujourd’hui l’associe à cet authentique génie ? Albert Huybrechts est né en 1899 à Dinant mais a vécu à Bruxelles, à Anderlecht plus précisément, jusqu’à sa mort en 1938. Une bien courte carrière pour cet élève de Joseph Jongen qui, très vite, a engrangé des prix prestigieux aux Etats-Unis mais la précarité de sa situation sociale, son devoir de soutien de famille, sa frustration par rapport à son idéal, la tyrannie domestique exercée par sa mère devenue veuve, l’ont contraint à l’isolement, au travail alimentaire de musicien d’orchestre et à un douloureux désenchantement.  Son frère, Jacques, de dix-huit ans son cadet, devenu adulte, a laissé un poignant témoignage sur la vie sacrifiée d’Albert, permettant ainsi à un jeune cinéaste féru de musique de réaliser aujourd’hui ce film en hommage au maître.  Un documentaire de septante-cinq minutes, d’une beauté et d’une rigueur rares, tout en nuances, suggestions, longs plans soignés et méditatifs, soulignés par la voix pudique de Julien Roy, disant les mots émus et reconnaissants de  Jacques,  et, bien entendu, les compositions de Huybrechts. S’enfuir… Le réalisateur a choisi ce titre pour bien faire sentir la détresse du musicien et sa soif d’absolu et d’un ailleurs que seule sa musique lui fit entrevoir. Contrarié par tout ce qui l’entourait, obligé de ne composer qu’en été sur son piano, faute de chauffage en hiver dans la pièce où l’instrument était placé, cet artiste au tempérament condamné au spleen, au désespoir même, a pu néanmoins écrire quelques œuvres d’une très haute tenue, à la fois évocatrices, impressionnistes, sentimentales et d’un bout à l’autre extrêmement raffinées. De courtes pièces essentiellement, certaines inspirées par des poèmes peu connus de Baudelaire, Hugo, Vielé-Griffin ou Verhaeren. Le public a pu entendre quelques œuvres, dont l’exquise « Sicilienne »,  interprétées par trois jeunes musiciens de talent, Lionel Bams, Sébastien Walnier et Claire Dassesse. Une soirée mémorable autour d’une musique et d’images s’unissant à la perfection dans une harmonie profonde et spirituelle.

On peut se procurer l’œuvre en CD du compositeur aux éditions CYPRES : www.cypres-records.com

                                                                  Michel Ducobu