de groodt livre de la jongleStéphane De Groodt, Le livre de la jongle,  Paris, Plon, 2015, 216 p.

On connait la propension de nos compatriotes à jouer avec les mots, à jongler avec eux. De Jean-Pierre Verheggen à  Bruno Coppens ou Jean-Luc Fonck, d’Henri Michaux à Eric Clémens, les exemples abondent. Stéphane De Groodt vient ajouter son livre où il s’empare d’expressions connues afin d’en extraire la signification méconnue.

Non, il ne va pas les décortiquer de manière savante comme l’aurait fait un Alain Rey, même si ce dernier       a de l’humour et qu’ils ont collaboré en duo pour un livre similaire à celui-ci. Oui, il s’empare des procédés susceptibles de miser sur les multiples sens des mots de la langue française en créant, précisément, des jeux de mots.

D’abord le calembour ordinaire, celui qu’on utilise au premier degré lorsqu’on désire provoquer rire ou sourire. Celui engendré par l’homonymie ou l’homophonie : auspices et hospices  par exemple. Ou « la femme accouche, l’animal met bas, la larve fait mouche ».  Quant à « maître queux » cela « se dit d’un acteur porno, mais pas que… ».  L’interprétation de « être con comme un balai » résume bien à elle seule l’emploi de ces procédés : «Cette expression est partie d’un malentendu, très mal entendu même, puisque dérivée de la célèbre vanne champignonnière ‘être con comme un bolet’. Ce qui fait généralement se poêler tout le monde. »

La fin de cet énoncé use d’un autre moyen : celui du verbe poêler qui s’articule autour de signifiés différents. Viennent ensuite les à-peu-près du type un « acabit ne fait pas le moine » ou « l’acabit d’essayage » qui virent vite au second degré.  Comme lorsqu’il y a passage de l’abstraction d’un vocable à son sens concret : « Ce n’est pas parce que l’argent est liquide qu’il coule toujours à flots ».

Il y a des formules qui ne s’éclairent que par référence culturelle. Si un lecteur français ne connait pas le coureur automobile belge Jacky Ickx, il comprendra difficilement l’explication de la formule 1 : « porter plainte contre X ». Ou encore qui ignore la marque commerciale de produits laitiers transformés de Mamie Nova ne sourira pas en lisant « Casanova, dont la mamie faisait d’excellents yaourts » car le rapport entre les mots est indirect. Et il faut déjà bien connaitre la chanson française pour savoir à propos d’ « avoir un chat dans la gorge » qu’ « on dira de  Manu qu’il a le chat haut. »

Ailleurs, on trouve les mêmes tournures en cascades, de quoi titiller les neurones. Tel est le cas de « vendre la mèche » : « Vendre la moche pour garder label est ce que font les maraichers pour maintenir la fève des marais chère ». Ce qui réclame un minimum de concentration pour gouter le sel que recèle la phrase.

Bref, rien de morose  en ce bouquet d’expressions précisées, porteuses de grande malice pour un voyage vers le langagier. À siroter au hasard des pages, de-ci de-là, pour un plaisir à répartir au fil des humeurs afin de retrouver sa bonne, comme aurait pu l’écrire l’auteur avec un clin d’œil qu’on plisse.

Michel Voiturier