Véronique ALBERT, Chante la vie, chante…, Editions Traces de vie, 2015, 161 pages, 18 euros.

De la maison blanche de Recogne à la maison rose à Louvain-la-Neuve, il a fallu, pour exister, traverser pas mal de frontières. Ces traversées vont inviter Véronique ALBERT « à une urgence : vivre chaque jour comme si c’était le dernier ». Et c’est un émouvant parcours de vie qui nous est ici proposé.

Le récit commence en Ardenne dans cette famille Commetoutlemonde où il fait bon se rassembler autour de jeux. Un jour, la petite Véronique  franchit la grande porte de l’école maternelle, la « maison en pain d’épices », avec « une mallette brune en cuir » qui lui sera compagnon.  Commence un chemin qui nous conduit à Libramont,  jusqu’à la fin des trois moyennes. A ce moment, débute l’internat à Arlon, dans cette école où « il n’y a que la façade qui est blanche », et la petite fille a déjà connu l’âpreté de la trahison, la dureté d’un monde où habiter le même quartier ne signifie pas être du même monde et si, à l’internat, au fond de sa solitude, elle découvre Vent d’Est, Vent d’Ouest de Pearl BUCK,  la Chine et Kwei-Lan, elle s’aperçoit qu’à la maison  « bouquiner n’est pas toujours bien vu ». Mais, voici qu’à 14 ans, elle rencontre la maladie, la proximité de la mort, sous forme d’une méningite, celle-ci récidivant deux ans après : expérience du monde blanc des hôpitaux, de la douleur, de l’angoisse, de la solitude….. Mais, elle va garder « la force de vie pour prendre le chemin de sa nouvelle école », sans oublier ce jeune médecin qui lui a demandé « es-tu heureuse, as-tu un amoureux ? ». Par ailleurs, elle ne cesse de se demander qui elle est, qui elle veut être et veut prouver qu’elle existe. Suite et fin des secondaires à Neufchâteau, qu’il faudra quitter pour Namur et des études d’assistante sociale, avec ce leitmotiv : « Je ne suis pas à la hauteur…. C’est certain, je vais me planter ». Elle s’y forge une humanité, notamment à l’occasion de ses stages en hôpital psychiatrique dont les visages croisés « vont marquer sa mémoire ». Le diplôme en poche, nouvelle séparation pour Louvain-la- Neuve et la sociologie. Elle s’ y révèle brillante. Viendront ensuite, le mariage avec Michel, les enfants, la mort des parents. La vie suit son cours avec cette « mise au « je » dans la maison rose où il faudra, à travers une nouvelle épreuve, se « reprendre en main ». Plus tard ce sera le rituel des « 3 kifs par jour »… !

C’est une femme proche des autres qu’on va ici découvrir , inquiète pour un ami malade (« j’entre avec comme seul bagage un cœur ouvert pour t’écouter »), sortant plus forte de la douleur, trouvant par ailleurs son travail dans l’accompagnement (« mener une vie de rencontres, sans oublier la rencontre avec soi »), vivant la lecture et l’écriture (« Ecrire a été un ultime moyen pour renouer avec l’élan de vie qui sommeillait en moi ») comme écoles de vie, se remettant sans cesse en question.

Et l’année de ses cinquante ans, Véronique de s’interroger sur cette vie restant à inventer avec celle qu’elle est devenue. C’est qu’il s’agit de s’ancrer dans le présent, restant pétrie des différents enfants qu’elle a été. Oui, une vie passée à se mettre au monde.

Et, elle qui sortait d’une famille Commetoutlemonde, ainsi que disait la maman, de revenir à la leçon de celle-ci : « Ne sommes-nous pas pareils, traversés par des mêmes questions, tendus vers l’espoir de vivre ? ».

Un beau récit, à lire, à aimer, à vivre, à chanter.

                                                                                              Michel WESTRADE

                                                                                              13 février 2016