Yves Caldor – Le Train des Enfants – Editions M.E.O. – 128 pages – 15 €

Il s’agit d’une deuxième édition, revue et augmentée, d’une œuvre singulière, où l’auteur passe en revue sa vie à la lumière de la notion d’exil. Miklos-Nicolas ou Nicolas-Miklos, alias Yves Caldor, d’origine hongroise par son père, française par sa mère, se sent riche mais tiraillé par cette double racine, d’autant plus qu’il a quitté la Hongrie en catastrophe à l’âge de cinq ans, au moment de l’insurrection de Budapest, quand les chars soviétiques ont déferlé sur la ville en ébullition. Exilé de son pays natal, amené à vivre en France et en Belgique, il a longtemps « oublié » sa prime enfance et a perdu complètement la langue de son père. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’il a décidé de renouer avec ce passé et qu’il s’est mis à fouiller systématiquement dans ses souvenirs et ceux des autres, devenant l’archéologue de sa propre vie, et rassemblant au fil des pages des fragments pour tenter de la reconstituer au mieux. Il nous donne à voir ainsi les épisodes de sa vie et comment, après trente-huit ans d’exil et d’hésitation, il retourne voir la Hongrie, une Hongrie bien différente de celle qu’il a connue petit. Le récit est parfois un peu alourdi par des noms imprononçables ou des répétitions de faits déjà évoqués précédemment et repris de manière plus complète.

Plus que l’émouvant voyage dans la vie de l’auteur, qui goûte évidemment le plaisir de se replonger dans son passé, c’est l’aspect historique de la situation en Hongrie qui intéresse le lecteur lambda, et les sentiments ambivalents qui, sans doute, taraudent chaque exilé, d’où qu’il vienne et quel qu’il soit, ce déchirement inévitable entre deux vies, entre deux mondes, et la question, douloureuse, de garder vivant en soi cet autre monde ou de l’oublier, de le reléguer définitivement dans un passé révolu et asséchant.

Retrouver le pays de son enfance avec des yeux d’adulte, retrouver ce Train des Pionniers, qui existe toujours mais sous le nom de Train des Enfants, a été salutaire pour l’auteur. Yves Caldor a réussi à accoucher de sa Hongrie. Cette chronique lui permet de se réconcilier avec un passé trop longtemps nié, de se délivrer de son malaise, de faire le point et de faire le pont entre ses deux cultures et ses deux racines, ce pont que ses parents n’ont pas réussi à garder intact puisqu’ils ont divorcé.

Mais ce qu’il n’a pas encore réussi à faire, c’est réapprendre sa langue paternelle, ce magyar, langue finno-ougrienne si éloignée de nos langues indo-européennes, ce dialecte aux origines obscures, car « les Hongrois sont l’un des peuples les plus mélangés, avec des éléments tartares, mongols, persans, turcs, etc. ». Un etc. qui en dit long sur les migrations perpétuelles, les exils toujours si difficiles à vivre pour les individus comme pour les populations. En fait, ce n’est pas l’histoire d’un exil qui nous est contée ici, c’est l’histoire de l’exil.

 

Pour information, la première édition date de mai 2001, aux éditions Bernard Gilson, et comporte 125 pages.

 

Isabelle Fable