Jacques Nicolas, Le traceur de lignes, roman, Weyrich, préface d’Amélie Nothomb.

Ce livre, on en sort un peu ahuri, hébété. Il faut toujours un temps pour réaliser qui est en train de parler, et sur quel ton,et dans quel sens. Mais nos vies ont-elles un sens? Plutôt tutti frutti d’impressions, de réflexions. A nous de démêler l’écheveau pour y trouver notre bien. Une sorte de livre in progress , dans lequel rien n’est définitivement fini. Enfin,, au bout d’une semaine d’efforts constants et méthodiques, la magie opère et la ville s’ouvre, éclate, le béton se lézarde, les tours s’écroulent devant moi. / Paris est loin maintenant.

Mais n’est-de pas là justement l’image de notre vie? Dieu n’est pas seul à écrire droit avec des lignes courbes. Mais quand nous nous mettons,plus souvent que nous ne le croyons, à écrire courbe avec des lignes droites, quel capharnaüm! Et pourtant, bien souvent, n’est-ce pas ainsi que nous vivons? A moins de se prendre pour Dieu. C’est un point de vue. Mais ça ne marche pas toujours.

Bref, un patchwork très réussi, dans un style à la fois sobre et imagé, des paragraphes très courts, des instantanés qui défilent, marquent le temps.marquent le temps, la progression de l’histoire. On dirait des biographies entrecoupées de courtes incises, de réflexions. Le Bateau ivre est mis à contribution, et Thoreau, mais tout l’incongru du style et du récit, allant parfois jusqu’à la déglingue finale, avec cette alternance de sadisme, de volonté de choquer, de quelques passages idylliques, me font plutôt songer à Roussel ou Adamek. Une haine de ce qui est corporel, une sorte de pudibonderie qui se transforme en dégoût? Peut-être. En tout cas, une belle maîtrise du style. L’auteur en fait quasiment ce qu’il veut.

Joseph Bodson