Armel Job, L’évasion de Socrate, pièce en XII scènes, édition Samsa, Universités populaires du théâtre, 2017

Bien sûr, me direz-vous, Socrate, sa captivité, son évasion, c’est sans doute l’un des thèmes – l’un des mythes? – les plus rebattus de l’Antiquité grecque, avec Antigone. Pour ainsi dire, une sorte de théorème agonistique, dont l’issue varie suivant les pays, les époques. Que peut-on encore y trouver de neuf? C’est oublier qu’ici trois personnes sont en scène, en plus de Socrate: Criton, Xanthippe et Callibios, le geôlier. Nous autres, spectateurs, nous sommes un peu superfétatoires, dans le noir de la salle.

Est-ce pour cela que Socrate est moins glorieux que d’habitude? Il se sauve en entendant la voix de Xanthippe. Criton rappelle qu’il aurait pu facilement sauver sa vie en étant plus discret devant ses juges. Eh non, il plastronnait, il soignait son aura, son auréole. Et c’est nous qui en récoltons les ennuis. Combien Callibios est plus réaliste, qui a une certaine estime pour Socrate, et se laisserait volontiers acheter pour le laisser s’échapper. Quant à la solution de Criton…elle est astucieuse, nous n’en dirons pas plus.

Nous avons souligné ailleurs, et c’est, je crois assez important, le rôle éminent que jouenf chez Armel Job les personnages secondaires. Il y met, sans doute, un humour doux-amer..Nous, nous avons tendance à les laisser de côté, pour nous affronter nous-mêmes, avec nos convictions, au héros principal. Nous oublions les autres. Et c’est bien souvent chez eux que se trouve la solution. Ecoutons donc Callibios, à la fin de la pièce: Mais, d’un autre côté, ne serait-ce pas une bonne leçon pour lui qui est plus habitué à en donner qu’à en recevoir? Une leçon qui lui apprendrait que personne ne décide seul de son sort. Une leçon qui lui ferait comprendre que les sentiments ordinaires sont plus forts que les grandes idées. Ah, j’hésite, j’hésite… Aristophane n’est pas loin, et Montaigne non plus, qui hésitait sans cesse, et qui aurait aimé, sans doute, ce Callibios-ci..

Joseph Bodson