Béatrice Libert, Battre l’immense, poèmes, Revue NUNC, éditions de Corlevour, 2018.

Œuvre croisée, en quelque sorte, puisque bien souvent c’est un, ou plusieurs vers d’Yves Namur qui sont à l’initiale de ces textes, en italiques, et leur servent en quelque sorte de piste d’envol.

Béatrice Libert au meilleur d’elle-même, de sa forme, pourrait-on dire. Il semble qu’elle ait trouvé la formule juste, au niveau surtout de la taille des poèmes, et ce n’est pas une question d’arithmétique ou de géométrie, mais une question, une raison, de souffle, d’inspiration et d’expiration de l’être lui-même. Il suffit de trouver la source et le temps – mais c’est un art très difficile.

Ainsi, à la page 15: Comme une parole abandonnée à la merveille/Voici que s’avancent le poème et le jour/Offerts à la fragilité//Éteignez la lumière/Ouvrez votre visage/Laissez-les éclairer votre nuit.

Des images très rilkéennes, religieuses même, la poésie étant conçue comme un culte, en tant que cérémonie. Et, plus loin, p.29, de nouveau des accents rilkéens, partant de la base animée des choses, arbres, eaux, légères comme l’air qui nous entoure. De même, à la page 37, l’importance du regard posé sur les choses.

Un poème central, ou capital si l’on veut, à la page 52, Le pas de l’inespéré:, ouvrant et fermant le texte, avec cette notion elle-même centrale, de la marche, du chemin: Le pas de l’inespéré/Sommes-nous prêts à le recevoir?/Soucieux de la vie simple/Il passe sans attendre//Et sans regarder derrière lui/ Il ouvre les cadenas usés/Les placards fermés à clef/Comme les poèmes hermétiques//Le pas de l’inespéré/Sème la semence délivrée. Cette sorte de brusque découverte, trace ou bruit, et qui dénoue. Car la simplicité n’est pas au début, mais bien à la fin de notre parcours.

Et, à la page 54, Les désirs de l’au-delà, comme s’il y avait un message crypté, accroupi sous le voile de ces choses simples et essentielles. Comme si, pour accéder à l’éternité des choses, nous devions en découvrir le fin mot. « On devient soi très doucement » (p.57). Et, à la page 58, « Lorsque descend sur le rivage/Le pas de l’ange  Le pas de l’ange » Serait-ce, peut-être, mais là, c’est nous qui brodons un peu, les pas de l’ange Crusoé – Cocteau n’avait-il pas son ange Heurtebise?

Un recueil – au sens plein du terme – auquel il faudra revenir, s’abreuver, avant de reprendre le chemin des vivants.

Joseph Bodson