Dominique Dumont, Pourquoi un titre? Aphorismes, éditions Persée, 2017.

Pourquoi un titre, en effet, alors qu’il en faudrait plusieurs, le livre comportant des poèmes aussi bien que des aphorismes et des réflexions philosophiques (assez noires) sur notre monde, notre pays, notre civilisation?

Et sous l’égide de qui faudrait-il le placer, étant convenu que l’égide est au point de départ une protection, prêtée aux mortels en premier lieu par Athéna, déesse de l’intelligence? Il est vrai aussi que le ivre n’en manque pas. Mais je lui prêterais plus volontiers le patronage des silènes, et de Rabelais qui les invoque, et  de Socrate qui en est l’inspirateur Silènes sont petites boîtes….Et puis encore, Diogène, qui cherchait un homme, un fanal, à la main, en plein midi…

« Oui mais, à la fin des fins, quand allez-vous nous parler de Dominique Dumont ? Il me semble que vous noyez le poisson, à la fin.. » « Un peu de patience. le voici, tel qu’rd lui-même… »: On peut aussi contourner la question de notre fin et oublier pour un temps l’inéluctable en se mettant en congé. ‘Même quand la soupe est froide, l’herbe est douce’, disaient les post-soixante-huitards sur le plateau du Larzac. Les communautés se sont dissoutes sans doute. Mais les couples du XXIe siècle continuent à se rechercher, en trios, quatuors, recomposés, décomposés, surcomposés, bref, typiquement postmodernes (la postmodernité va de soi mais échappe  à toute définition ) et c’est la même lutte contre le temps, perdue d’avance. (p.18)

La passion amoureuse exacerbée pour l’être aimé, pendant laquelle le plus cynique ne se moque pas du mot « bonheur » est prosaïquement délimitée dans le temps par les prédateurs de l’âme autant que médecins des larmes, j’ai cité mes amis les psys. (ibid)

Dérision, humour noir? Le véritable humour n’a pas de couleur. Et puis, chacun sait que le noir n’a pas de couleur. Et puis, tant qu’à faire, on peut toujours se rabattre sur soi-même et pratiquer l’autodérision. De cette manière, on ne fait de tort à personne. A soi-même? Même pas, puisqu’on s’est mis au parfum. Moi, par exemple, je sais que je suis dans les second degré et que je peux m’agonir des pires injures. Maso? Même pas; je n’en retire aucun plaisir. C’est un exercice que j’ai appris à maîtriser.  {p.47)

Mais je m’en voudrais de ne pas évoquer le réquisitoire final. Qui s’adresse au monde tel que nous l’avons fait, à l’enseignement tel que nous l’avons conçu, modifié et remodifié, aux enfants qui en payent les lourdes conséquences, avec une sorte de passion triste (Homme, ici n’a point de moquerie). Et c’est au fond, une déclaration d’amour déçu, à ce monde de la culture qui nous a nourris, et dont nous voyons le rivage s’éloigner inexorablement. Aldous Huxley avait raison.

Les illustrations d’Olivier Dumont, le fils de Jacques, sont parfaitement adaptées.

Joseph Bodson

Note de l’auteur:

J’ai lu avec attention votre compte rendu de mon livre. J’ai un élément qui me fait vous écrire. Je trouve qu’il est insuffisamment souligné qu’il faut le lire au second degré (jeux de mots, humour, passages totalement incroyables, ironie…) J’ai rencontré des personnes qui en sont restés au premier degré et sont donc passés à côté. Ils ont lu une partie du livre à l’envers. Aussi, je me permets de vous envoyer par ailleurs quelques lignes qui pourraient vous servir pour insister sur ce second degré. Comme prof, j’essayais de ne pas en abuser alors que, dans la vie courante, je sais avec qui je peux le faire ! Merci d’y prêter attention.