Françoise Houdart, Dieu le potier et quelques autres, récits, contes et histoires, éd.Luce Wilquin. 2018

Des nouvelles dont la tonalité, l’ambiance, sont très variées, du sombre au clair, de la joie à la peine. Ainsi, la première nouvelle, Le vieil homme et l’étang,. conjugue intimement le vieil âge et l’enfance, comme si la vie état un perpétuel recommencement, comme si les personnages, les sites de notre enfance .nous attendaient toujours au tournant de la route pour recommencer sans cesse le cérémonial d’un évènement grave, lourd de portée. Nos actes nous suivent

Il s’en souviendra, Louis. Il se souvient de tout. Tout de lui. Louis, c’est l’archiviste de sa mémoire. Le conservateur des états de son être. Il est à lui, Louis. En lui. C’est avec lui qu’il veut mourir. Et à la fin, Louis l’appelle par son nom. La musique de son nom. Le souvenir des meilleurs moments. Cet automatisme du cérémonial, couronné par l’appel final, fait dériver la nouvelle, toute simple, vers la magie, le merveilleux. Seraient-ils présents là, à notre portée, sans que nous le sachions? La vie, grise et monotone, est pleine de secrets inattendus/inentendus, qui n’attendent qu’un mot pour sortir de leur boîte.

Quant à Dieu le potier, il est comme nous, et non tout-puissant, même quand il faut tout recommencer. Rien n’est jamais joué. Et s’il redonne vie à Eva – Eve, c’est sous la forme d’une jarre aux lignes harmonieuses. Ici aussi, rien n’est jamais fini, la vie se continue, sous une autre forme. Et La lune dans le cagibi, cet étrange  culte rendu par une vieille femme au petit écran…Ces puissances qui nous gouvernent. Les mouches:: Et L’edelweiss! Ici, elle est dans le meilleur de son talent, avec les héros du charbon. Un beau texte sur la mort, décrite poétiquement. Les miraculés, ils ne sont plus du même temps que nous. La citation de Jacques Brel, en exergue du livre, en constituerait-elle la clé::Les vieux ne parlent plus, ou alors parfois seulement du bout des yeux. En allant un peu plus loin, pourrait-on dire des mortsMais c’est un domaine dont nous avons perdu le chemin, nous autres qui vieillissons, et qui avons oublié nos petits cailloux à la maison.

Nous retombons dans le fantastique, un fantastique on ne peut plus quotidien, avec Le laitier. et puis La femme du jeudi. Et La dresse. Et L’Hôtel de la plage. Et, pour couronner le tout, Vade retro, Satanas. Cet étrange ballet/balai où nous tournoyons comme des feuilles mortes, dans les brouillards de l’oubli avec ça et là un rai de lumière.

Françoise Houdart, je l’ai dit en commençant, sait à merveille adapter son style à chaque sujet qu’elle traite. Les chutes de ces nouvelles sont soigneusement calculées, à tel point qu’il faut se frotter les yeux en en terminant la lecture, en se demandant si l’on est encore dans le rêve, ou dans la réalité. Encore dans la réalité, ou déjà dans le rêve, un de ces personnages flous qui se perdent dans nos brumes. Eh oui, la vie est un songe, on nous l’avait bien dit.

Joseph Bodson