Max et les Sonnailleurs

Propos recueillis par Michel Ducobu

Max Vandervorst, votre prénom rappelle irrésistiblement le film de Claude Sautet, Max et les Ferrailleurs, où un certain Michel Piccoli succombait sous le charme de Romy Schneider… Ce n’est pas de cinéma que nous allons nous entretenir mais de musique. D’une musique très spéciale qui ne court pas les rues… Sauf une petite venelle de Dinant où vous avez fait du bruit en y ouvrant, au début de notre nouveau millénaire, une Maison de la Pataphonie.

Les références liées à mon prénom sont multiples et variées. Nombre de journalistes se sont fait un plaisir d’évoquer aussi Max l’Explorateur  ou la chanson  Il est libre Max  d’Hervé Christiani. Je me sens par contre moins concerné par la série télévisée Max la Menace !…

Quant à la Maison de la Pataphonie, elle a été ouverte en 2001, après quelques années de travail de préparation minutieux et intensif.

La Pataphonie, un mot bizarre, à l’air à la fois savant et drôle, qui serait un clin d’œil à la Pataphysique de Raymond Queneau, le papa de Zazie dans le métro ?

La paternité du terme «  Pataphysique » revient en fait à Alfred Jarry, à la fin du 19ème siècle. Il en donnait déjà la définition : « science des solutions imaginaires (…) ».  En appliquant cette science à la musique, cela devient « Pataphonie ». Mais il me plaît aussi d’ imaginer la Pataphonie comme un pays – proche de la Patagonie – dans lequel la musique jaillirait de partout…

Vous êtes donc un pataphonien ou pataphonéticien ? Ce n’est pas dans un Conservatoire, j’imagine , qu’on apprend ce métier-là. Mais, par ailleurs, il est difficile d’être musicien et pédagogue  de surcroît sans une solide formation classique…

Je dirais plutôt « Pataphoniste », ou encore « Patamusicien ». Quant au Conservatoire, c’est le nom que je me suis amusé à donner à un de mes instruments, composé de 17 boîtes de conserves bien accordées. J’ai personnellement bénéficié d’une part de formation classique… Mais les chemins d’accès à la musique sont multiples, et chacun a sa spécificité : le jazz ou le rock  développent l’improvisation et le sens rythmique, les musiques traditionnelles, qui se jouent souvent sans partition, aiguisent le sens de l’écoute… Et je connais par ailleurs des musiciens talentueux parfaitement autodidactes…

Quant à la pédagogie, elle ne relève pas d’une méthode x ou y mais de la capacité d’un artiste à transmettre sa passion. Après avoir pris le temps d’accumuler les expériences pour avoir « quelque chose à dire ».

Avez-vous une idée du nombre d’instruments que vous avez bricolés ou inventés et de la quantité d’objets que vous avez détournés ? Vous avez ratissé large : d’un casier de bières à des pots de jardin, d’une chaise métallique à une bouilloire ou à une bicyclette que vous avez musicalisée d’une roue à l’autre… 

Quand on aime, on ne compte pas… Pour vous donner quand même une idée, mon premier livre  Lutheries Sauvages  (éd. Alternatives) recense quelque septante réalisations tandis que Instruments de musique en papier et carton  en présente une cinquantaine. Et il y a tout le reste : des instruments construits « sur mesure » pour la Pataphonie… et plein d’autres en construction…

Puisqu’on a évoqué la bonne ville de Dinant, où est né un certain Sax (qui rime bien avec Max) je suppose que vous avez également imaginé quelques noms d’instruments sortis de votre atelier personnel qui rimeraient avec « saxophone » ?

Le « maxophone » serait un peu prétentieux… Dans ma panoplie, il y a bien le scoutophone (carillon de gourdes accordées), le bouteillophone du Bordelais (sans commentaire), ou le choucroutophone (cordophone dont le son délicat n’a rien à voir avec la choucroute). Mais j’essaie dans la mesure du possible de varier les appellations en évitant les suffixes trop convenus, pour nous faire rêver d’autres manières : saxosoir, violon à clous, guidon-flûte, vélo électrique, spalafon champêtre, guitare charbonnière…

Vous êtes bien connu dans le monde du spectacle et votre « lutherie sauvage » a franchi les frontières. On vous voit régulièrement sur scène, entouré de votre panoplie d’objets non identifiés, accompagné parfois de musiciens plus traditionnels mais je pense que vous aimez tout autant animer des stages, des workshops et partager avec des jeunes votre passion ?

Avec des jeunes de tous âges ! La plupart du temps, je suis appelé à intervenir dans le cadre de « formations destinées aux formateurs »… Ce que certains appellent humoristiquement des « Maxterclass ». Cela donne à la portée de mon travail un effet démultiplicateur important. Pour donner un exemple, la Rumba de Spa  (percussion sur bouteilles d’eau minérale) que j’enseigne depuis une trentaine d’années, se joue un peu partout en Europe, et même plus loin ! Mais la création et la tournée de spectacles restent largement prioritaires dans mon emploi du temps.

 

Vos projets ? Fonder un orchestre bio ? Ecrire un opéra vert ? Une symphonie pour objets trouvés, sponsorisée par la SNCB ? Etonnez-nous encore !

J’ai créé récemment un spectacle à BOZAR à l’occasion du soixantième anniversaire de Gaston Lagaffe : Tragawdoukoutrrr- Ode au Gaffophone . Il sera rejoué dans quelques grandes salles. Je suis aussi occupé à écrire une partition musicale commandée par le Conservatoire de Denain en France. Je compose également une suite pour bouteilles de Spa et Orchestre à cordes, qui sera interprétée en collaboration avec l’Orchestre de Chambre de la Nethen. On me verra participer musicalement à la prochaine création théâtrale  Je suis un héros  de René Bizac, en compagnie de mon ami Lazare Minoungou. Un nouveau livre est en gestation, et dès que j’aurai un peu de temps, un nouveau CD… Et surtout, je fêterai mes trente ans de création, la saison prochaine ; il y aura notamment une série rétrospective de tous  mes spectacles à Bruxelles (et ailleurs), incluant la reprise exceptionnelle de L’Homme de Spa ….

Tous renseignements sur www.maxvandervorst.be

Photos : Melisa Stein.